Tous les jours des gens bien intentionnés, compétents et autorisés, donc relais vers les pouvoirs politiques, démontrent aux médecins généralistes qu'ils sont des incapables dangereux. J’en veux pour preuve deux exemples tirés de ma vie professionnelle, parmi de nombreux, que je vais relater ici. C’était il y a 10 ou 15 ans, déjà. Il est vrai, un jour, un médecin conseil me faisait remarquer que puisqu’il avait fait des études plus longues que moi pour arriver à son poste, il était plus compétent.
Un jour, donc, je reçois de la part du médecin de la DDASS une convocation de groupe, avec d’autres généralistes, concernant des prescriptions abusives de stupéfiants. J’avais beau me creuser la tête, je ne comprenais pas, je ne suivais que deux toxicos depuis longtemps, ils étaient très coopératifs. Je me demandais alors si on ne m’avait pas volé des ordonnances. On était donc une petite trentaine de médecins convoqués, rien que ça. Tous des médecins qui ne comprenaient rien, pas un seul gros prescripteur. Un intouchable nous a sermonnés ; l’un a demandé pour son compte quel patient pouvait être concerné : secret administratif. De fait, c’est sans doute le médecin de la Sécurité sociale qui a prévenu celui de la DDASS, et il n’était, bien sûr, pas là pour répondre. Et puis tout d’un coup, l’un s’est lâché…moi, j’ai un tel, et vous ? tout le monde s’est regardé, on était tous concerné par le même patient, on était 28. J’ai alors dit qu’au prochain rendez-vous, je le mettrais dehors avec pertes et fracas ! Vous auriez vu la tête du médecin envoyé par l’administration, j’ai cru qu’il allait faire dans ses culottes par peur que je mette ma vie en danger.
Aucun courage...
Et voilà ! Aucun courage de convoquer le patient eux-mêmes de peur de se faire casser la gueule ! Aucun courage pour donner le nom du coupable de peur qu’on lui répète ! Il n’a pas eu besoin de rentrer dans mon bureau, j’ai annoncé la couleur, il est reparti sans rien dire, sans doute a-t-il préféré changer de département pour continuer ailleurs, en toute impunité.
Une autre fois, chaque médecin du département a reçu un courrier du médecin-conseil, pour prescription dangereuse, exemple personnel à l’appui. J’avais donc fait une association hautement dangereuse sur le plan interaction médicamenteuse. Une fois de plus j’ai rien compris. J’étais informatisé sur le plan prescription, je connaissais à fond le maniement de ma base médicamenteuse (j’en étais un testeur chevronné), mon logiciel ne réagissait pas à cette co-prescription hautement dangereuse.
J’ai donc posé la question dans la foulée sur un forum de médecins. Vidal et BCB ont répondu dans l’heure, il s’agit d’une interaction qui avait été évoquée plusieurs années auparavant, mais qui s’est révélée être fausse, malheureusement, c’est paru, mais une seule année dans le Vidal, et jamais dans le guide des interactions médicamenteuses. D’un naturel très curieux et très fouineur, j’ai voulu savoir d’où la Sécurité sociale tenait cette information. Une recherche rapide m’a permis de trouver…la base personnelle (c’est moins coûteux, mais sans doute moins fiable) de la Sécurité sociale sur le site de Limoges, si je me souviens bien, avec donc l’interaction mentionnée.
Donc, un fonctionnaire a été payé pour mettre cette information quand elle est sortie, mais pas pour la réactualiser. C’était vraiment pas de chance pour la Sécurité sociale que cet exemple tombe sur moi ! Quelque temps après, j’avais rendez-vous avec le médecin conseil chef, à propos d’une réunion de formation médicale que je préparais, un ancien généraliste qui avait fui le métier, on se demande pourquoi. Je lui en souffle un mot, il appelle le médecin-conseil concerné, qui arrive avec son Vidal, qu’il feuilletait fébrilement. « Ne cherchez pas, vous ne trouverez pas, c’est pas possible » ; « si, si, je suis sûr que je l’ai vu », voulant me faire croire qu’il passait ses journées à éplucher toutes les ordonnances des médecins avec son Vidal sous les yeux pour le bien-être des patients, surtout pour celui des finances de Dame Sécu, accessoirement pour montrer aux médecins de ville qu’ils sont archi-nuls, contrairement à lui. Je leur parle de la base de Limoges, de la réponse de Vidal…la réaction du chef a été stupéfiante : « Pour une fois, on ne vous dira rien ! ».
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