Le nombre de consultations annuelles chez son médecin traitant à un effet sur le risque de fréquence d’hospitalisations potentiellement évitables (HPE).
C’est en tout cas ce que montre une étude de la direction de la recherche des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) publiée ce jeudi 6 avril.
Qu’est-ce que les HPE ? Même si la Drees souligne qu’il n’y a pas de consensus scientifique sur leur définition, on considère généralement qu'il s'agit d'une liste de pathologies chroniques pour lesquelles une prise en charge plus efficace des patients en ville réduirait les risques d’hospitalisation. Il s’agit de l’asthme, l’insuffisance cardiaque, la BPCO, la déshydratation, les complications du diabète à court terme et l’angine de poitrine sans infarctus du myocarde.
« Les hospitalisations comprenant l’une de ces pathologies comme diagnostic principal sont considérées comme potentiellement évitables lorsqu’elles ne comportent pas un ou plusieurs diagnostics associés qui les rendraient compliquées », détaille la Drees.
L’étude précise également que ces hospitalisations potentiellement évitables sont à distinguer des recours non pertinents. « Au moment où elle a lieu, l’HPE est nécessaire, mais si le patient avait été mieux pris en charge en amont, le risque d'hospitalisation aurait pu être réduit », écrivent les auteurs. « Ainsi, un faible taux d’HPE au sein d’un territoire suggère un bon suivi des patients en ambulatoire et une bonne politique de prévention de l’hospitalisation », ajoutent-ils.
L'accessibilité aux soins pas déterminante
L’étude de la Drees renseigne sur les HPE pour l'année 2017 et sur l’évolution au cours de la période 2012-2017. Elle montre notamment que consulter son médecin traitant entre une et deux fois par an divise par cinq et demi le risque d’HPE par rapport au fait de ne pas l’avoir consulté dans l’année.
En revanche, au-dessus de cinq consultations annuelles, entre cinq et huit fois, le risque d’HPE est trois fois plus élevé que pour les patients qui consultent une à deux fois. Au dessus de neuf fois, le risque est cinq fois et demi plus élevé.
« En effet, une plus grande fréquence des consultations est probablement liée à un état de santé détérioré, augmentant le risque de survenue d’une hospitalisation et donc d’une HPE », explique la Drees.
En revanche l’étude de la Drees montre que le fait de vivre dans une zone sous dotée en médecins généralistes n’a pas d’impact sur le risque d’HPE.
Plus de la moitié des HPE pour insuffisance cardiaque
En 2017, ce sont 265 000 HPE qui ont été dénombrés par la Drees pour 225 000 personnes. En effet, 14 % ont connu plusieurs hospitalisations de ce type au cours de l’année, dont 82 % pour la même pathologie à chaque fois. Cela représente un séjour hospitalier en médecine sur 40.
Plus de la moitié de ces HPE (51%) ont pour motif l’insuffisance cardiaque, 22 % sont liées à une BPCO, 11 % à des déshydratations, 8 % à des angines de poitrine sans infarctus du myocarde, 6 % sont causées par une crise d’asthme et 1 % par des complications du diabète à court terme.
Les HPE touchent en particulier les plus âgés : quatre personnes concernées sur cinq en 2017 avaient 65 ans ou plus, et une sur trois étaient âgées 85 ans ou plus.
« Cette forte proportion de personnes âgées parmi les patients ayant connu une HPE est liée à l’augmentation des hospitalisations avec l’âge, mais aussi à la définition même des HPE, qui inclut des seuils d’âge pour chacune des pathologies chroniques considérées et qui cible des pathologies touchant plus fréquemment les seniors », détaillent les auteurs.
Par ailleurs, le nombre d’HPE pour insuffisance cardiaque augmente fortement avec l’âge. Ainsi les personnes âgées de 85 ans ou plus ont connu trois fois plus d’HPE pour ce motif que celles de 65 à 74 ans.
Les ouvriers, personnes seules et sans diplômes plus touchés
L’étude de la Drees nous renseigne également sur les déterminants individuels des survenues d’HPE.
Ainsi, à caractéristiques données, chez les personnes entre 65 et 84 ans les hommes ont un risque supérieur de 64 % par rapport aux femmes d'être concernés par une HPE.
Les personnes vivant seules sont également plus touchées. Le fait de vivre en couple sans enfant est associé à un risque d’HPE réduit de 32 % par rapport à celui de vivre seul.
« Ce résultat pourrait s’expliquer par une plus grande attention portée à sa santé lorsque l’on vit en couple ou par une incitation au suivi médical de la part du conjoint », avance la Drees.
Le risque est également plus grand pour les personnes sans diplômes, il est 25% plus élevé que pour celles avec un brevet des collèges, CAP ou BEP.
Selon les auteurs, ce résultat « peut suggérer que la littératie en santé joue sur la probabilité d’avoir une HPE, sous l’hypothèse que ces compétences sont, au moins partiellement, corrélées au niveau de diplôme, en influant notamment sur la capacité à être autonome dans le suivi de sa maladie chronique ». L’autre hypothèse avancée est le lien avec un niveau de vie plus faible et des conditions d’existences moins favorables.
La catégorie socioprofessionnelle joue d’ailleurs aussi sur le risque d’HPE. Par rapport aux employés, les ouvriers ont un risque plus élevé de 43%, les agriculteurs exploitants de 38%.
Au-delà des conditions de travail et de la pénibilité, « d’autres mécanismes, d’ordre socioculturel, sont susceptibles de jouer en amont sur le suivi en ville : rapport au corps et à la santé de son milieu socioprofessionnel, distance sociale avec le médecin, etc ».
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