Trop de toxicos dans les prisons : une expérimentation à Bobigny pour éviter l’incarcération

Publié le 01/07/2015

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C’est peut-être la solution pour éviter demain la prison aux toxicomanes. La ministre de la Justice, Christiane Taubira, a lancé mardi à Bobigny lune expérimentation inédite en France qui vise à proposer des activités et des soins plutôt que l’incarcération à des toxicomanes ou alcooliques multirécidivistes. Mise en place depuis le 30 mars 2015 au tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis), cette expérimentation élaborée par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) va durer pendant au moins deux ans et devrait concerner entre 40 et 50 personnes.

Présente au premier comité de pilotage, qui réunissait mardi des acteurs de la police, de la santé, de la justice et du milieu associatif, la garde des Sceaux a salué une expérience "efficace et juste, qui ose poser la question des causes des problèmes et responsabiliser les auteurs". "L'incarcération a été une solution facile et lâche pendant des années. Le résultat, c'est un taux de récidive qui a triplé en dix ans et une surpopulation carcérale", a-t-elle déclaré, pointant la "grande innovation" de ce dispositif "qui soigne".

Concrètement, le mis en cause, après avoir fait l'objet d'une évaluation approfondie, comparaît devant une chambre correctionnelle spécialisée qui se prononce sur sa culpabilité, ajourne sa peine, et lui propose d'intégrer le dispositif. Il fait alors l'objet d'un suivi judiciaire, avec des convocations mensuelles devant un juge, et un suivi médico-social strict avec 5 heures d'activités par jour, cinq jours par semaines. Inédite en France, l'expérimentation s'est inspirée de ce qui se fait au Canada pour lutter contre les conduites addictives donnant lieu à la commission répétée de délits mineurs, tels que des vols pour financer une consommation de drogue ou la conduite d'un véhicule sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants.

Selon Marie-Laure Lacroix, coordinatrice santé à l'association Aurore, six personnes ont été ciblées pour l'instant: quatre sont en sevrage et une est sortie du dispositif. Ces personnes, qu'elle décrit comme "très abîmées", majoritairement dépendantes à l'alcool, ont pour la plupart plus de 20 ans de consommation ou de drogue. "Les quatre personnes intégrées ont compté qu'à eux quatre, ils avaient 80 ans d'incarcération", a-t-elle soulevé. Selon Christiane Taubira, une généralisation sur l'ensemble du territoire pourrait être "une question de temps".


Source : lequotidiendumedecin.fr