Une à une, les victimes de Joël Le Scouarnec racontent à la cour criminelle du Morbihan, à Vannes, les violences sexuelles infligées par le chirurgien pédocriminel et tentent de le faire sortir de sa torpeur.
Pour Nicolas Gourlet, agressé sexuellement à l'âge de 13 ans par le chirurgien, l'objectif est clair : lors de sa déposition fin avril, le jeune homme de 31 ans espère « faire dérailler » l'accusé. « Vos remords me laissent indifférent, ils ont même tendance à m'énerver. Humanisez, personnalisez vos regrets », lui intime-t-il, devant la cour. Peine perdue : le médecin débite les mêmes paroles que les jours précédents ; à peine s'écarte-t-il de son script habituel pour prononcer le nom de sa victime, lorsque l'avocate des parties civiles insiste. Et lorsque les parents de Nicolas Gourlet disent refuser les « excuses parfaitement récitées » de Joël Le Scouarnec, ce dernier demande malgré tout, à plusieurs reprises, « pardon ».
Même chose lorsque Manon Lemoine, 35 ans, raconte à la cour son viol à l'âge de 11 ans, lisant un texte fort qui bouleverse ses proches venus la soutenir. Mais « dans son box, Le Scouarnec n'a laissé paraître aucun regret », retrace-t-elle. Au contraire, « il m'a tenu le regard un bon moment. Si c'était une personne normale, il aurait dû baisser les yeux, se sentir mal. C'est comme si ça lui glissait dessus… ou qu'il était dans le défi ». Pour elle, « les gestes, les regards, la posture » de Joël Le Scouarnec « infirment la sincérité de ses propos ».
Violée à dix ans, Emmanuelle Martin, 36 ans, ne croit pas non plus à la sincérité des excuses de Joël Le Scouarnec. « Il a dit : “je suis désolé, je vais encore la faire souffrir” (...) et il a lu deux fois le texte qu'il avait écrit sur moi, en répétant le mot “viol” plusieurs fois », retrace-t-elle. Puis « il a présenté ses excuses habituelles, mais ça sonnait faux ».
Le Scouarnec « ne cherche pas à faire l'acteur »
Me Maxime Tessier, avocat de la défense, réfute « fermement » cette « vision à charge », même s'il dit « comprendre » le désarroi des victimes. « M. Le Scouarnec ne cherche pas à faire l'acteur. Il est dans la recherche de l'apaisement et souhaite déposer devant les victimes tous ses regrets », affirme-t-il à l'AFP.
L'avocat, qui joue souvent le rôle d'accoucheur ou de traducteur des propos de son client, souligne que « M. Le Scouarnec coopère depuis le début (...) là où il était si simple de jeter de l'huile sur le feu et de faire de ce procès une horreur ». « Épuisé » par le procès, l’ancien médecin de 74 ans « a de l'empathie et de la considération pour chaque victime et veut leur dire pardon », assure Me Tessier. Son client a « besoin » de présenter ses excuses, même lorsque celles-ci sont insoutenables pour ses victimes.
Arc de rédemption
Sur les bancs des parties civiles, un groupe de victimes se relaie pour soutenir « ceux qui passent ». Parfois, à la fin de l'audience, elles se retrouvent pour disséquer les propos, l'attitude de l'ex-chirurgien, peinant à croire à « son arc de rédemption », comme l'explique Gabriel Trouvé, 34 ans. « Ce n'est pas le comportement de quelqu'un qui fait amende honorable. Il privilégie son propre besoin sans réellement prendre en compte ce que la victime peut ressentir lorsqu'elle entend ce pardon imposé, regrette-t-il. Quand on n'a pas les armes pour comprendre ce qui se passe, ça peut nous affecter encore plus (...) surtout lorsque ce sont les mêmes excuses pour tous. »
Pour Me Tessier, « peu importe ses efforts », Joël Le Scouarnec « sera toujours perdant aux yeux de certains. Et ça, ce n'est pas juste, ça n'est pas la justice. »
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