Des cris, des menaces verbales, physiques et même de mort… La mésaventure vécue en début de semaine par le Dr Thomas* à Bobigny face à un homme qui exigeait que sa fille soit immédiatement examinée par le praticien vient rappeler que les généralistes sont fréquemment les cibles d’agressions. Selon les statistiques de l’Ordre des médecins, 65 % des agressions (625 sur 968) visant des médecins avaient été déclarées par des omnipraticiens en 2016, alors que ceux-ci ne représentent que 45 % des médecins de France.
La violence de l’agression du praticien de Bobigny reste « exceptionnelle », observe le Dr Patrice Fournier, généraliste à Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), et responsable de la section exercice professionnel du CDOM 93. « La Seine-Saint-Denis n’est pas le Bronx ! Ceci dit, il y a des zones plus dangereuses que d’autres », confie-t-il. Si dans son département, le nombre d’agressions reste stable, le praticien reconnaît que certaines sont de plus en plus violentes.
Attente prolongée, prescription refusée
« En moyenne, quatre agressions verbales ou physiques sont déclarées à l’Ordre chaque semaine, estime le Dr Fournier. Les violences physiques sont beaucoup plus rares, de l’ordre de deux par mois. » « Que l'agression soit verbale ou physique, c'est le même traumatisme. Ça ne change rien ! Des confrères ont la peur au ventre en arrivant au cabinet ! », estime cependant le Dr Hervé Boissin, coordonnateur de l'Observatoire de la sécurité des médecins du CNOM.
Selon le Dr Patrice Fournier, les agressions résultent souvent d’attentes prolongées en salle d’attente, d’une prescription refusée, notamment à des toxicomanes, ou d’un rendez-vous refusé par un médecin dont l'agenda est déjà rempli.
Une application au secours des médecins
Dans son témoignage, le Dr Thomas dit se sentir seul. Alors que faire pour venir en aide aux praticiens ? Patrice Fournier propose de former les médecins dans le cadre de la formation médicale continue et encourage ses confrères à se regrouper.
La solution pourrait également passer par la technologie. Avec Reporty, une application permettant d'activer le son et l'image d'un téléphone via un bouton silencieux, « une alerte aurait été transmise directement à la police qui aurait décidé d’intervenir », explique le Dr Jean-Claude Zérat, vice-président du CROM d'Île-de-France en charge de la sécurisation des cabinets.
Le ministère de l'Intérieur à la traîne
Le ministère de l'Intérieur étudie actuellement la faisabilité d’une liaison entre Reporty et des services de police. Pour le Dr Hervé Boissin, qui réclame une mise en service rapide de l'application, ce n'est pas suffisant. « On avance plus que lentement », regrette-t-il. Et de s'indigner : « On ne peut pas demander aux médecins de travailler autant et ne pas les protéger ! »
« Mais le sujet ne semble pas préoccuper le ministère de l'Intérieur », grince le responsable ordinal, qui a récemment appris que Gérard Collomb serait absent de la réunion au cours de laquelle l'Ordre dévoilera les chiffres de 2017 de son observatoire.
* le prénom du généraliste
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