Pour les opposants au TPG, c’est la dernière chance d’obtenir gain de cause. Alors que la loi de santé a été définitivement votée par les députés le 17 décembre dernier, sa promulgation attend en effet le feu vert du Conseil constitutionnel. Députés et sénateurs de l’opposition ont déposé le 21 décembre deux recours contre la loi de santé. Et s’ils attaquent aussi plusieurs dispositions emblématiques de la loi Touraine (paquet neutre, salles de shoot, participation au service public hospitalier, groupements hospitaliers de territoire, action de groupe, suppression du délai pour l’IVG…), les griefs contre le TPG figurent en bonne place dans chacune des saisines. Les sages seront-ils sensibles aux arguments de l'opposition ? Réponse d’ici au 21 janvier, puisque les juges constitutionnels doivent rendre leur décision dans le délai d’un mois.
Le paiement direct des honoraires en question...
Du côté des députés LR, on a choisi d’attaquer sur l'incohérence introduite par l’article 83 de la réforme Touraine, instaurant le TPG, arguant que ce dernier est contraire aux articles L 162-5 et L 162-2 du code de la sécurité sociale, sans qu’il les ait pour autant abrogés. La première de ces dispositions prévoit que c’est à la convention médicale qu’il revient de gérer les conditions d’exercice de la médecine générale, y compris concernant les cas de dispense d’avance de frais, relèvent les députés d’opposition. La seconde posant quant à elle le principe du « paiement direct des honoraires par le malade ». Le problème est que ces deux articles qui datent de 1971 sont d’origine législative et que le Parlement peut en principe défaire ce qui a été précédemment posé par le législateur. Certes, dans sa jurisprudence, le conseil constitutionnel a déjà considéré que certaines lois avaient acquis une valeur constitutionnelle (qui les protège de modifications ultérieures), mais jamais pour des normes postérieures à 1946... En clair, le paiement direct des honoraires n’a donc pas en soi valeur constitutionnelle. Les députés signataires du recours le savent, qui indiquent être « bien conscients que ces dispositions étant d’ordre législatif, il est tout à fait loisible au législateur de les modifier... »
En revanche, ils voient dans cette contradiction entre la loi de 1971 et le texte de 2016 une atteinte à l'objectif « d’accessibilité et d’intelligibilité » de la loi. De fait, cet objectif a été reconnu par les sages en 1999 comme ayant valeur constitutionnelle, le Conseil considérant que la loi doit être compréhensible par tous et applicable facilement. Et c’est donc là-dessus que s’appuient les députés de droite pour essayer d’obtenir la censure du TPG. Principe de clarté de la loi d’autant plus égratigné, selon eux, que la définition donnée par la réforme Touraine des « professionnels de santé exerçant en ville » censés appliquer demain le tiers payant pour tous leur semble floue et imprécise, ajoutant encore à la confusion. Reste qu’à ce jour, encore peu de censures ont été rendues par le conseil constitutionnel sur ce fondement. Mais les députés requérants veulent croire que c’est ainsi qu’ils obtiendront gain de cause contre le TPG...
...Et la liberté d'entreprendre en jeu
[[asset:image:8681 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":["DR\/Creative Commons"],"field_asset_image_description":["La d\u00e9cision sur la loi de modernisation de notre syst\u00e8me de sant\u00e9 sera sans doute une des derni\u00e8res prises par le Conseil constitutionnel sous la pr\u00e9sidence de Jean-Louis Debr\u00e9"]}]]Pour arriver aux mêmes fins, les sénateurs utilisent un argument plus classique, mais qui ouvre un débat plus fondamental pour l’avenir de la médecine libérale. Les élus de la haute Assemblée voient en effet dans le TPG une atteinte à la liberté d’entreprendre. Un principe reconnu par les sages comme ayant valeur constitutionnelle depuis 1982 (sur la base de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme)... mais avec des exceptions possibles, au nom de « l’intérêt général. » Depuis lors, un bon nombre de décisions du conseil ont fait référence à ce principe de liberté d’entreprendre, mais dans des domaines et conditions très différents de la médecine libérale. Son raisonnement cette fois sera donc à examiner à la loupe. Dans le cas présent, les sages du Palais Royal considèreront-ils que l’un des quatre piliers de la médecine libérale est constitutif de la liberté d’entreprendre (des médecins libéraux) ? Et, si oui, jugeront-ils ensuite que le TPG y porte une atteinte excessive ? De la réponse à ces deux questions dépend en grande partie l’avenir de la médecine libérale à la Française…
Politiquement, cette décision aussi importante qu'attendue portera sur une des plus emblématiques promesses de campagne de François Hollande en matière de santé. Et elle interviendra de surcroît à la veille du renouvellement par tiers de la vénérable institution, qui verra le conseil constitutionnel accueillir trois nouveaux membres, avec sans doute parmi eux, celui qui succédera à Jean-Louis Debré à la présidence en février... et un probable "gauchissement" du Conseil.
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