Rebelote. Les chiffres sur l'insécurité des médecins sont repartis à la hausse en 2015. Après une année noire en 2013 (925 déclarations d'incidents) et une légère amélioration en 2014 (901), l'Observatoire de la sécurité des médecins (ONSM) de l'Ordre, qui présentait son rapport Ipsos mardi (voir le détail du bilan 2015), dénombre 924 déclarations l'année passée. Et les généralistes sont de plus en plus visés par ces agressions. En 2015, 65 % des incidents les concernaient, soit dix points de plus que l'année précédente. Il s'agit en majorité d'agressions verbales ou à caractère menaçant (69 %). Alors que les vols et le vandalisme représentent 27 % des signalements, l'agression de plusieurs médecins au service d'urgences du CHU de Tourcoing le week-end dernier rappelle que les violences physiques ne sont pas si rares : 8% des déclarations.
Pour faire face à cette situation alarmante, des solutions sont étudiées depuis plusieurs années au niveau national. La Convention santé - sécurité - justice, signée en 2010 par les représentants des professionnels de santé et les ministères de la Santé, de la Justice et de l'Intérieur, a notamment permis la mise en place de référents sécurité santé au sein des collectivités territoriales et dans les commissariats.
À l'échelle locale, les initiatives se multiplient, même si, souvent, les moyens manquent. Le Conseil régional du Limousin a récemment testé un bip de géolocalisation relié à une plateforme téléphonique alertant les forces de l'ordre. En Guyane, une application sur smartphone a été développée pour signaler les agressions. Mais ces dispositifs ont un coût et élargir leur utilisation à l'ensemble des territoires est difficilement envisageable. "On donne de l'argent aux médecins pour qu'ils reviennent exercer dans les déserts médicaux, il faudrait aussi les aider financièrement à sécuriser leurs cabinets", constate le docteur Hervé Boissin, coordonnateur de l'ONSM.
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En région île de France, le nombre de déclarations d'agression a toutefois connu une forte diminution entre 2014 et 2015. Elles sont passées de 167 à 118 sur l'ensemble de la région. Le docteur Christian Bourhis, ancien coordonnateur de l'ONSM qui exerce dans le Val d'Oise, explique ceci par les mesures de sécurité mises en œuvre suite aux attentats de Paris : "Il y a plus de protection policière et moins d'incivilités. De même, la surveillance vidéo accrue dissuade les potentiels agresseurs". L'Ordre recommande d'ailleurs de solliciter les maires des communes afin de faire installer des caméras de vidéosurveillance près des cabinets. C'est dans cette région également, dans le Val-d'Oise et la Seine-Saint-Denis, que les premiers officiers de police ou de gendarmerie "référents santé" ont été désignés dans les années 2000, ce qui pourrait expliquer cette diminution encourageante.
Les solutions de nos voisins
Les violences dans l'exercice de la médecine ne s'arrêtent pas aux frontières françaises. Le président de l'Ordre des médecins belges, Jean-Jacques Rombouts, a rappelé lors d'un débat organisé par le Cnom sur le sujet qu'un médecin a été assassiné en décembre dernier alors qu'il rendait visite à un patient dans la région des Flandres. Un fait-divers qui avait beaucoup ému la profession. Le gouvernement belge, en coordination avec l'Ordre, prévoit la mise en place d'une plateforme de contact sur le site de l'Ordre afin de faire des déclarations d'incidents en ligne. L'Ordre français prévoit également une télédéclaration d'ici la fin de l'année en cours. Une structure d'aide aux médecins victimes d'agression sera également présentée d'ici à la fin du mois à Bruxelles.
En conclusion de ce débat, le commissaire Arnaud Poupard, ancien responsable de l'Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS) a indiqué que "chaque territoire possède ses caractéristiques et on ne peut pas leur appliquer un modèle unique de sécurisation". Le docteur Bourhis a soulevé un autre problème majeur : "Les agressions ne sont pas encore toutes déclarées, par manque de temps. De plus, peu aboutissent à un dépôt de plainte". En 2011, sur les 46 plaintes déclarées par les conseils départementaux pour le rapport Ipsos, 21 sont sans nouvelles de la décision du parquet. Ces "oublis" ont fait l'objet d'une prise de contact de l'Ordre auprès du ministère de la Justice afin de comprendre pourquoi, ces procédures ne sont pas suivies.
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