Trois responsables du Syndicat national des médecins remplaçants en hôpitaux (SNMRH), qui avait diffusé une « liste noire » des hôpitaux appliquant le plafonnement de leurs salaires et appelé à leur boycott, sont visés par des plaintes du ministère de la Santé auprès de l'Ordre des médecins.
Le Dr Linda Darasse, présidente du syndicat, a reçu fin octobre une plainte du ministère demandant une suspension temporaire d'exercice de 3 mois, a-t-elle révélé auprès du Quotidien du médecin.
Le secrétaire et la secrétaire adjointe du syndicat ont fait l'objet de plaintes similaires.
« Manquements déontologiques »
Le ministère de la Santé a confirmé à l'AFP « avoir déposé plainte début octobre à l'encontre de trois médecins », les accusant de « manquements déontologiques graves » et d'avoir voulu « mettre en échec l'application de la loi, quitte pour cela à mettre en danger le fonctionnement de certains établissements » et à « prendre les patients en otage de leurs revendications ».
Créé fin mars, le SNMRH conteste le décret limitant, depuis le 1er janvier 2018, la rémunération des médecins intérimaires dans les hôpitaux publics à 1 404,05 euros brut pour 24 heures de travail effectif. Ce plafond doit être abaissé à 1 287,05 euros en 2019, puis 1 170,04 euros en 2020.
Après la diffusion d'une liste des premiers établissements ayant appliqué ces tarifs, le syndicat a appelé les médecins intérimaires à « éviter », puis à « refuser » les remplacements dans ces hôpitaux, avant d'étendre son mot d'ordre à « l'arrêt de toute mission » pendant les vacances de la Toussaint et de Noël.
Agnès Buzyn a dénoncé à plusieurs reprises « l'attitude irresponsable » et le « chantage » de ces praticiens qualifiés de « mercenaires ».
L'Ordre des médecins avait regretté des « comportements peu soucieux du devoir d'humanité envers les patients » et qui « déconsidèrent la profession ».
Cette poursuite judiciaire engagée par le ministère de la Santé – une pratique très inhabituelle – divise la profession.
Certains praticiens s'offusquent du salaire faramineux des médecins intérimaires (jusqu'à 2 000 euros pour 24 heures de travail) et comprennent la nécessité de leur encadrement.
Levée de boucliers des syndicats
Sans se prononcer sur le fond, plusieurs syndicats de médecins s'offusquent de la forme et des poursuites engagées contre des représentants de la profession.
Le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi (Snphare) a demandé ce mercredi à Agnès Buzyn de retirer sa plainte, estimant essentiel de défendre la « liberté d’expression syndicale, essentielle au débat contradictoire ».
Chez les médecins libéraux, l'UFML-S et la FMF ont exprimé leur solidarité à l'égard de leurs confrères du SNMRH.
La FMF dénonce la plainte, « pratique d’un nouveau genre indigne d’un pays démocratique ». L'UFML-S estime qu'il s'agit d'une « atteinte à la liberté d'action syndicale ». Le syndicat du Dr Jérôme Marty rappelle avoir publié une carte des lieux où il ne faut pas s'installer et demande à ce titre à être poursuivi. L'UFML-S étudie la possibilité́ de porter plainte contre la ministre de la Santé et devant l’Ordre des médecins pour « non-confraternité ».
Joint par Le Généraliste, le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, exprime un avis plus pondéré. Le néphrologue approuve l'encadrement des tarifs exigés par les médecins intérimaires à l'hôpital public et ne partage pas la consigne d'appel au boycott du SNMRH. Le Dr Ortiz critique en revanche « la démarche du ministère de la Santé de poursuivre des individus qui exercent leur fonction de syndicaliste ». Le Dr Ortiz s'interroge d'ailleurs sur la recevabilité de cette plainte. « Il faut selon moi que ce soit le directeur d'un établissement qui signale à l'Ordre lorsqu'un médecin remplaçant réclame un tarif supérieur à celui en vigueur », confie-t-il.
Ch.G. avec AFP
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