Aux cris de "mon corps, mon choix !", des milliers de manifestants ont défilé samedi après-midi à Dublin pour la 6e marche annuelle organisée par les partisans du droit à l'avortement.
Un défilé aux accents de pré-campagne en vu du référendum qui doit se tenir au printemps 2018 sur le sujet. "Le message que nous voulons faire passer aujourd'hui est qu'il est temps d'agir parce que nous attendons depuis trop longtemps maintenant", a déclaré Linda Kavanagh, porte-parole de l'Abortion Rights Campaign (Campagne pour le droit à l'avortement), à l'origine du défilé.
"Nous voulons l'abrogation totale (du 8e amendement, ndlr) et nous ne pourrons soutenir une législation d'exception qui ne bénéficierait qu'à une centaine de personnes", a ajouté Mme Kavanagh qui attendait 30.000 manifestants, tandis que la police n'a pas souhaité communiquer de chiffre.
Cet amendement, introduit en 1983 et qui place à égalité la vie de la mère et du foetus, a intégré dans la Constitution de l'Irlande, pays à forte tradition catholique, l'interdiction totale de l'avortement. Décrié par les partisans de l'interruption volontaire de grossesse (IVG), il a été légèrement assoupli en 2013, après la mort d'une jeune femme enceinte. Depuis, l'avortement peut être pratiqué en Irlande en cas menace vitale pour la mère.
- 'Historique' -
"Cette journée va être un tournant décisif. C'est la dernière marche avant le référendum donc d'une certaine façon, c'est historique", a déclaré Keishia Taylor de l'association ROSA (Reproductive rights, against Oppression, Sexism and Austerity).
Face aux revendications de plus en plus fortes des pro-IVG, le gouvernement avait convoqué en novembre une Assemblée des citoyens, chargée de réfléchir à des sujets de société, dont le 8e amendement. Dans ses conclusions rendues en avril, ses 99 membres ont recommandé une libéralisation assez large de l'IVG sous 12 semaines de grossesse.
Mardi, Dublin a annoncé la tenue d'un référendum au printemps 2018 et une commission parlementaire transpartisane a commencé à plancher sur la question qui sera posée aux Irlandais.
Dans le cortège, Anna McKenna, 66 ans, se montre prudemment optimiste sur les futures conclusions de la commission. "La formulation du référendum aura un impact majeur sur le résultat et mon instinct me dit qu'il y aura forcément un compromis dans cette commission composée de 22 membres issus de tous les partis", juge cette enseignante retraitée.
- Une opinion partagée -
Les partisans de l'actuelle législation, qui avaient mobilisé près de 70.000 personnes début juillet à Dublin, entendent eux aussi occuper le terrain dans les mois qui viennent pour défendre le 8e amendement.
Dans le centre de Dublin, une poignée de militants opposés à l'IVG portant des chasubles roses, ont distribué des tracts samedi, une opération qu'ils comptent réaliser chaque semaine désormais. Le coordinateur de l'opération, Alan Keena, a expliqué : "le pays est polarisé des deux côtés, alors nous essayons d'informer ceux qui sont encore indécis".
Satisfaits d'avoir enfin obtenu l'organisation d'un référendum, les partisans de l'IVG jugent le gouvernement et les parlementaires irlandais trop frileux sur la question et dénoncent régulièrement une influence encore trop grande de l'Eglise catholique sur les affaires publiques.
Contrairement au référendum sur le mariage homosexuel -adopté en mai 2015-, aucun responsable politique de premier plan n'a pris position pour un droit large à l'IVG.
La presse se fait même plutôt l'écho de ministres embarrassés à l'idée de défendre un référendum dont les termes favoriseraient une option trop libérale, à l'image d'une opinion partagée, prête à accepter l'avortement en cas de viol (76%) mais opposée à une IVG à la demande (67%) selon une récente enquête Ipsos/MRBI.
Le Premier ministre Leo Varadkar juge la législation actuelle "trop restrictive" mais n'est pas non plus favorable à une légalisation totale.
"Je pense qu'ils manquent de courage pour affronter la réalité et la pression de leurs électeurs qui sont peut-être plus âgés et plus conservateurs dans leurs circonscriptions", a déclaré Bríd Smyth à l'AFP. L'élue du petit parti Solidarity a été la première députée, en juillet, à révéler qu'elle avait avorté lorsqu'elle était plus jeune.
Selon elle, "l'avortement est une réalité même en Irlande, c'est juste une réalité qu'on exporte chaque jour". Référence aux milliers d'Irlandaises qui vont chaque année se faire avorter à l'étranger, notamment au Royaume-Uni.
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