Depuis qu’il est adolescent, Xavier Gauvreau sait qu’il veut être médecin. « J’ai eu une opération pour la tachycardie quand j’avais onze ans. Mon cœur battait à 200 par minute pendant des heures. Au moment où je me suis réveillé, ça a été comme un déclic, de voir qu’en une journée, le chirurgien avait été capable de guérir ça », témoigne le praticien québécois. À 18 ans, il part de sa région natale, l’Outaouais, pour la ville de Montréal afin d’étudier la médecine. De fil en aiguille, il réalise qu’il souhaite se spécialiser en psychiatrie. « Durant mes stages, j’ai aimé travailler au contact des sans-abri, dans les services de toxicomanie, auprès des populations autochtones… Donc la psychiatrie, ça a cliqué pour moi », explique-t-il.
Sept ans plus tard, il est installé dans la ville de Québec où il exerce en tant que médecin-résident en psychiatrie. Il lui reste quatre années de résidence, puis Xavier Gauvreau espère pouvoir retourner travailler à Montréal, plus particulièrement dans un service dédié à la toxicomanie. « C’est un peu un rêve, mais cela me permettrait de combiner ce qui m’intéresse : les populations vulnérables, la toxicomanie et le psychiatrique. Sinon j’aimerais aussi travailler directement dans de refuges, j’ai rencontré des médecins qui font ça », détaille-t-il.
Faire de sa profession un engagement pour la société, pour aider l’autre, est au cœur des objectifs de Xavier Gauvreau. Il s’en est rendu compte dès qu’il a rejoint les bancs de la fac : « Les étudiants qui arrivent en médecine sont souvent des gens privilégiés, qui ont eu une bonne éducation, le droit à la santé, le droit à l’égalité des chances… Ça m’a toujours marqué. Comprendre ce privilège-là et apprendre à l’utiliser pour permettre à d’autres personnes d'accéder à cette égalité des chances, c’est aussi la responsabilité sociale qu’on a en médecine. »
Pendant ses études, le jeune résident en psychiatrie a pris une année de césure pour étudier la philosophie. « Il manquait une certaine dimension de sciences humaines, alors qu’on vit dans des sociétés, en relation avec les autres… Ça m’a permis d’avoir d’autres outils de compréhension », indique Xavier Gauvreau pour qui l'humain « n’est pas juste sa biologie ».
Engagé pour le régime public
Le médecin ne s'arrête pas à la philosophie. Il s'est engagé auprès du mouvement Médecins québécois pour le régime public (MQRP), un regroupement de médecins qui souhaite « bâtir un système de santé public fort ». Il a découvert le mouvement grâce à une pétition contre la hausse des salaires des médecins en 2018, le mouvement estimant cette augmentation injuste vis-à-vis des autres salariés ou travailleurs en santé qui ne bénéficiaient pas déjà d'aussi bonnes conditions. « On était dans des années d’austérité avec le gouvernement, il y avait beaucoup de coupures de service, incluant le domaine de la santé. Cette pétition m’a interpellé, car au Québec, les médecins sont beaucoup mieux payés, et plus privilégiés que les autres employés du secteur », détaille Xavier.
Le jeune médecin décide de se rendre aux conférences données par le mouvement dans les amphithéâtres de l’Université de Montréal, sur les barrières d’accès aux soins, sur les inégalités et sur la privatisation de la santé au Québec. « Le vice-président de l’époque a proposé ma candidature pour un poste de conseiller étudiant dans le Conseil d’administration, auquel j’ai été élu. » Après trois ans à ce poste, Xavier Gauvreau est devenu le vice-président du mouvement en 2021.
Il travaille bénévolement aux côtés des autres membres du Conseil d’administration. En tout, environ 500 médecins sont impliqués dans ce mouvement, créé en 2005 après une décision de la Cour suprême du Canada « qui a levé l’interdiction de l’assurance privée pour les soins et services couverts par le régime public », d’après le site internet du MQRP. La crainte, c'était d'assister à l'avènement d'un système à deux vitesses.
Aujourd’hui, il y a une fuite importante des médecins du secteur public vers le privé. On compte 21 371 médecins en 2023 au Québec, dont 641 qui exercent dans le privé en temps plein ou en alternance avec le public. Cet été, le flux a passé le cap des 3 % : « Il y a cinq ans environ, on était à 2 % pour l’ensemble des médecins. Là, on est à 3 %, mais ce que l’on a vu, surtout cette dernière année, c’est que ce sont beaucoup de médecins spécialistes qui partent. » Une preuve pour Xavier Gauvreau de l'avènement, d'un système à deux vitesses. « On ne peut pas à la fois voir des patients à l’hôpital public, et le lendemain lui proposer des soins dans une clinique privée. » Un exemple qui l'a marqué : sous prétexte de gagner du temps pour les soigner, des médecins basculent avec leurs patients du public au privé. Un cercle vicieux pour le service public.
Depuis la pandémie, ce phénomène touche aussi les infirmiers et infirmières. « On est à une ère de la privatisation, les gouvernements successifs de ces dernières années ne se cachent plus. Avec le projet de loi 15, on tend à mettre sur un pied d’égalité les soins publics et privés, car les deux vont être remboursés par l’État. » Une tendance qui l'inquiète, et qui l'encourage à poursuivre son engagement pour le service public.
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