« Bonjour, le cabinet du Dr Gautheron est actuellement fermé pour raisons administratives et médicales, a priori jusqu’au 1er janvier 2025. Si vous avez besoin d’une consultation, s’adresser à la caisse primaire ou à SOS Médecins. Désolé de ce désagrément. À bientôt », peut-on entendre ce mardi sur le répondeur de ce généraliste de 62 ans, installé à Fourchambault (Nièvre) depuis une quinzaine d’années.
La manifestation de soutien organisée le samedi 30 décembre par quelque 300 patients du Dr Patrick Gautheron n’aura donc eu aucune incidence sur la décision du conseil national de l’Ordre des médecins. Le praticien, à compter de ce 1er janvier 2024, est frappé d’un an d’interdiction effective d’exercice, laissant une grande partie des 4 500 habitants sans médecin de famille. Pas la meilleure façon de commencer l’année pour ces patients d’un département déjà durement touché par la désertification médicale.
Reste que la sanction qui frappe le Dr Gautheron se fonde sur des motifs sérieux, comme le relate le quotidien Le Journal du Centre. En premier lieu, son rythme de travail stakhanoviste, qui le conduisait à recevoir entre 80 et 120 patients par jour, de 7 heures à 21 heures. À l’arrivée, le praticien suivait plus de 4 500 patients, soit quatre fois plus que la moyenne d’un médecin généraliste… Une « anomalie » qui n’avait pas échappé au médecin conseil de la caisse primaire d’assurance-maladie nivernaise, à l’origine de la plainte contre le Dr Gautheron, déposée devant la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire régionale de l’Ordre des médecins.
À nos confrères de BFM-TV, le généraliste de Fourchambault expliquait cette suractivité par le fait que beaucoup de ses confrères avaient quitté la région et qu’il répondait aux besoins croissants de la population. Mais selon le jugement cité par le journal local, le praticien a « multiplié les consultations, qui ont été nécessairement de brève ou de très brève durée, déployant une activité manifestement excessive, en contradiction avec les exigences de qualité, de sécurité et d’efficacité des soins ».
Par ailleurs, l’Assurance-maladie dénonçait des surfacturations d’actes de week-end et de nuit culminant en un trop-perçu de 68 000 euros, que la décision de l’Ordre le contraint à rembourser. Enfin, le jugement de la juridiction ordinale, cité par Le Journal du Centre, établit, entre autres griefs, que dans 15 prescriptions « le praticien a délivré des médicaments dont l’association est formellement contre-indiquée » et que ce dernier a également, dans deux ordonnances, prescrit des médicaments contre-indiqués du fait de la grossesse de ses patientes.
Il n’empêche : aujourd’hui, les habitants de Fourchambault ne décolèrent pas. Les manifestants dénonçaient lors de leur récente manifestation, la sévérité de la sanction qui frappe « leur » médecin de famille et les laisse de fait, sans autre recours immédiat que les urgences ou SOS Médecins. Alors que l’ensemble des acteurs locaux – agence régionale de santé, mairie, CPTS, Ordre départemental et caisse primaire – tentent de trouver une réponse pour cette année qui s’annonce difficile, le Dr Patrick Gautheron a tenu à rassurer ses patients en leur indiquant qu’il entendait reprendre ses activités dès la fin de sa sanction… en janvier 2025.
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