2 420 heures par an : tel est le nombre moyen d’heures travaillées par les médecins spécialistes libéraux (44 semaines X 55 heures), selon une étude* exclusive de l’Union régionale des professions de santé médecins libéraux (URPS ML) Grand Est, auprès de plus de 400 praticiens d'une trentaine de spécialités. À titre de comparaison, « un salarié du public à temps plein travaille en moyenne 1 607 heures annuelles », taclent les médecins à l'initiative de cette étude, les Drs Stéphane Kirchner (anapath et responsable du collège des spécialistes) et Thierry Bour (ophtalmologiste et trésorier de l'URPS ML). « C'est 51 % de plus qu'un salarié temps plein », insistent-ils.
Dans le détail, les spécialistes déclarent en moyenne « 55,4 heures » par semaine d’activité globale professionnelle (les spés chirurgicales dépassant 60h hebdomadaires, ainsi que la néphrologie et ORL). Celles-ci se décomposent principalement en 45 heures et 25 minutes pour « l’activité de soins » ; 7 h 06 sont dévolues aux tâches administratives et 1 h 33 minutes aux « activités hors cabinet et soins » (formation, syndicat, visiteurs médicaux, associations professionnelles, etc.).
Les moins de 50 ans travaillent en moyenne 54 heures contre 56 heures pour leurs confrères de plus de 50 ans, un écart finalement très limité. Les femmes travaillent en moyenne quatre heures de moins que les hommes (53,2h versus 57,6h). « Il n'y a pas de désinvestissement de la jeune génération contrairement à ce qui est parfois mis en avant », souligne l'URPS ML.
In fine, 68 % des spécialistes répondants à l’enquête dépassent les 40 heures par semaine d’activité libérale. C'est le cas de plus d’une femme sur deux (55 %) de moins de 50 ans et de 69 % des femmes après 50 ans.
Idées reçues battues en brèche
« Ces résultats battent en brèche un certain nombre d’idées reçues sur le temps de travail réel effectué par les spécialistes libéraux, analyse le Dr Claude Bronner, président de l'URPS ML. J’avais, comme beaucoup de monde, une perception un peu tronquée. Je pensais que les jeunes médecins et nos collègues femmes travaillaient beaucoup moins que les médecins de ma génération. Manifestement, j’avais tort », reconnaît le généraliste alsacien.
Certains résultats sont édifiants. Plus de huit spécialistes sur dix (85 %) débutent leur journée de travail entre 7h30 et 9 heures (toutes spécialités, hommes et femmes confondus) et 86 % d'entre eux la finissent entre 18 heures et 20 heures.
Plus d’un tiers (34,6 %) exercent également le samedi (dont 86,5 % en demi-journée). Quant à l’activité libérale à temps partiel, elle concerne moins d’un spécialiste sur dix (7 %). À noter enfin que 37 % des répondants effectuent des astreintes et des gardes (dont 100 % des anesthésistes, 99 % des chirurgiens orthopédistes, 80 % des ORL, 41% des pédiatres). Les auteurs y voient un « engagement fort » des spécialistes libéraux dans le système de continuité des soins, à l'heure où se profile la reprise des négociations conventionnelles.
Objectif optimisation
Ce rythme professionnel très soutenu risque d'entraîner des conséquences sur la santé des praticiens concernés. 73 % des spécialistes répondants jugent que leurs journées sont longues, « ceci pouvant être un indicateur de souffrance au travail », alertent les auteurs de l’enquête. Pour autant, 48 % des spécialistes disent être « satisfaits » de leurs journées de travail, 33 % se déclarant « mitigés » et 19 % « peu satisfaits ».
Presque tous les spécialistes (80 %) partagent en revanche la recherche d’une optimisation de leur temps de travail. Et 70 % jugent nécessaire de s'imposer une ponctualité stricte dans les consultations afin de maîtriser leur rythme de travail.
Pour 36 % d’entre eux, cela passe par la délégation de tâches, déjà très développées dans certaines spécialités comme l'ophtalmologie. Un tiers (33,4 %) met en avant l’externalisation des services RH (paie, secrétariat, etc.) tandis que l’intégration de nouveaux associés n’est citée qu’à 22 %.
6,5 semaines de vacances en moyenne
L’étude s’est livrée à une estimation des congés des spécialistes de la région. Deux tiers d’entre eux « prennent de trois à huit semaines de congé dans l’année », avec une « moyenne de 6,5 semaines par an ».
Sans surprise, l’exercice regroupé ou en établissement offre la possibilité à ces praticiens d’avoir des périodes d’absence plus longues ou plus fréquentes. Ainsi, 36 % des médecins spécialistes en cabinet de groupe prennent au moins huit semaines de congé, versus 21 % des médecins en exercice isolé. Un plaidoyer pour soutenir le travail en équipe et le travail aidé lors des négociations conventionnelles ?
*Enquête en ligne adressée par newsletter à 3 060 médecins spécialistes du Grand Est, du 16 février au 15 mars 2023 (407 réponses obtenues et 33 spécialités ont participé). 43 % des répondants exercent seuls (parfois en partie en clinique), 46 % dans un cabinet de groupe et 10 % uniquement en établissement ou centre de santé.
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