C’est sur la musique dansante des « Village people » que 250 cadres de MG France se sont retrouvés ce vendredi matin dans la cité portuaire du Havre pour leur 10e congrès. Trois ans après Dijon, où la ministre de l’époque, Brigitte Bourguignon (contrainte à la démission) n’avait pas pu se rendre, le premier syndicat de généralistes devait accueillir les deux locataires de Ségur, Catherine Vautrin et Yannick Neuder.
La période est charnière et délicate. Depuis trois ans, la médecine générale a été percutée par les évolutions législatives et conventionnelles, sur fond de pénurie médicale sur la quasi-totalité du territoire. Après avoir approuvé « sans enthousiasme » la dernière convention, le premier syndicat de généralistes entend défendre le rôle de la spécialité face aux coups de boutoir des élus pour enrayer la désertification médicale. Ce n’est donc pas un hasard si l’accès aux soins a été choisi comme fil rouge de ce 10e congrès.
« Solidarité et contrainte », principes antinomiques
Face à Catherine Vautrin, la Dr Agnès Giannotti, présidente de MG France, offensive, a réclamé des réponses. D’abord sur la solidarité territoriale obligatoire (jusqu’à deux jours par mois dans les zones les plus fragiles), prévue dans le pacte Bayrou contre les déserts médicaux et introduite dans la proposition de loi Mouiller en cours de procédure accélérée au Parlement. Devant ses troupes galvanisées, la généraliste parisienne a expliqué que « cette solidarité territoriale paraît mal engagée ». Non seulement parce que « solidarité et contrainte sont deux principes qui nous paraissent tout à fait antinomiques ». Mais surtout parce que cette solidarité serait « basée sur un zonage qui est faux », ne prenant pas en considération « les départs des professionnels » et « qui ne sait pas faire la différence entre un médecin généraliste traitant et un médecin esthétique ». Aujourd’hui, « nous voulons des solutions qui marchent et non des solutions qui augmentent nos difficultés », a taclé la Dr Giannotti sous les applaudissements nourris de la salle.
Autre sujet d’inquiétude : le lancement de la nouvelle campagne contre les gros prescripteurs d'arrêts maladie à laquelle « le syndicat n’a pas été encore associé ». « Nous comprenons le souci du coût des indemnités journalières car nous voulons une Sécurité sociale solidaire, a cadré la Dr Agnès Giannotti. Mais il faut ensemble travailler sur la méthodologie pour que les médecins généralistes ne soient pas les boucs émissaires ». Selon la généraliste, la méthode de ciblage utilisée l’an dernier et qui a « traumatisé » des médecins est en train de recommencer. Une réunion entre la Cnam et les syndicats est prévue le 11 juin. En attendant, MG France lance dès aujourd’hui « une opération transparence IJ » avec une campagne en direction des assurés sociaux et des médecins prescripteurs « pour qu’ils comprennent leurs responsabilités ». Une plaquette d’information pourra être remise lors de la consultation aux patients.
À quelques mois des célébrations des 80 ans de la Sécurité sociale, la cheffe de file des généralistes a déploré aussi la petite musique insistante autour de la remise en cause éventuelle des ALD. « Faut-il laisser tomber des plus malades d’entre nous ? », a lancé la Dr Giannotti en direction de Catherine Vautrin.
Un zonage réaliste ?
La ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles s’est employée à rassurer les cadres à la fois attentifs et inquiets. Oui, « la médecine générale est une spécialité à part entière », oui la ministre reste « opposée à toute obligation », en référence à la proposition de loi transpartisane portée par le député PS Guillaume Garot.
Quant au principe de solidarité territoriale, il n'est pas question que « quelqu'un du Havre aille faire deux jours par mois à Nantes ou dans d'autres régions », a-t-elle temporisé. « C’est le principe des consultations avancées que nous avons repris et l’idée est donc de regarder la proximité territoriale », justifie-t-elle. Une cartographie des fameuses zones rouges est en cours (150 au départ) pour mesurer les besoins. Cela se fera « à l’échelle de l’intercommunalité » avec « une approche la plus réaliste ». Catherine Vautrin affirme donc vouloir miser sur « l’incitation » pour assurer cette solidarité territoriale sur le terrain.
Cette réponse ministérielle n’aura pas forcément rassuré les médecins de terrain. « Dans mon département, l’Eure-et-Loir, 47 % des médecins ont plus de 60 ans et 25 % plus de 65 ans. On peut faire un zonage mais tout le département est déjà rouge ! Ça ne tient pas debout », commentait à chaud la Dr Catherine Lasnier, présidente départementale MG France. Même son de cloche sceptique de sa consœur, la Dr Sophie Lizé, présidente syndicale en Indre-et-Loire. « Qui va me remplacer ? Qui paiera pour la garde de mes enfants pendant mon absence ? Est-ce que je vais être indemnisée ? », s’interroge la généraliste. Ces questions pratiques sur la solidarité territoriale ont été posées à Catherine Vautrin lors d’un point de presse, la ministre bottant en touche.
Responsabilité
Autre sujet sensible évoqué : les économies sur les ALD. Dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, la hausse des dépenses de ce régime est « une réalité comptable », pointe la ministre. Catherine Vautrin propose aux médecins de travailler sur la sortie des patients en rémission du dispositif des ALD. Installée à Montpellier, la Dr Amélie Descleves reconnaît que « cela a du sens ». « Mais je crains qu’on ne fasse pas d’énormes économies avec cette mesure », confie-t-elle ce vendredi au Quotidien. « Quand je vois les durées accordées aujourd’hui, un an pour un cancer, je passe plus de temps à faire de la paperasse. Et puis, c’est le travail de la caisse de mettre fin à l’ALD et non du médecin », ajoute la généraliste.
Quant aux IJ, la ministre affirme que son inquiétude principale porte sur « la durée des arrêts de travail » et sur la désinsertion professionnelle des salariés pour les arrêts supérieurs à six mois. Là aussi, la ministre appelle les prescripteurs à la responsabilité. « Nous avons pris notre responsabilité en limitant les arrêts de travail en téléconsultation. Mais c’est un effort de chacun », ajoute-t-elle.
Lors de ce discours, la ministre s’est déclarée par ailleurs « préoccupée par la situation de défiance qui s’exprime vis-à-vis de l’Assurance-maladie et du ministère ». Une façon de regretter certaines critiques ?
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