L’heure est donc très grave. L’ensemble des syndicats juniors de carabins, internes et nouveaux installés (Anemf, Isnar-IMG, Isni, Reagjir, Jeunes Médecins), les syndicats représentatifs de praticiens installés (MG France, CSMF, SML, FMF, Avenir Spé-Le Bloc et UFML-S) mais aussi SOS Médecins, l’association Médecins pour demain et même un représentant de l’Ordre : tous étaient présents ce mercredi 16 avril pour dire leur colère et présenter les modalités de leur riposte contre la proposition de loi transpartisane (PPL) portée par le député socialiste Guillaume Garot.
Pour mémoire, l’article phare, adopté début avril par l’Assemblée nationale, vise à instaurer une régulation à l’installation de la profession. Toute nouvelle implantation d’un médecin (libéral comme salarié) en zone surdotée serait conditionnée à une autorisation de l’ARS, sur la base d’une cessation d’activité pour une arrivée dans ces territoires bien pourvus. Dans les zones sous-dotées, l’autorisation serait octroyée de droit.
Pour la première fois depuis des lustres, la menace est devenue bien réelle. La première réaction consistera en une « grève intersyndicale illimitée », qui débutera le lundi 28 avril. Elle sera suivie d’une manifestation nationale dès le lendemain, mardi 29 avril, à Paris mais aussi en région « pour défendre les patients, la profession et protéger notre système de santé », ont réaffirmé les leaders syndicaux. « Il s’agit d’une grève de toutes les spécialités, pas uniquement des médecins généralistes libéraux », a insisté en préambule la Dr Anna Boctor, cheffe de file du syndicat Jeunes médecins.
Fissures sur les modalités
Si l’unité syndicale se manifeste totalement dans le rejet clair et net des mesures punitives de la PPL Garot, des fissures sont apparues quant aux modalités et à l’ampleur de la riposte. Faut-il se lancer dans une grève nationale illimitée jusqu’au retrait du texte ? Les syndicats juniors sont pour un bras de fer durable quand leurs aînés parlent plutôt d’une journée d’action unique.
Et pour les libéraux, faut-il fermer les cabinets, une décision très lourde conséquences ? « Ce n’est pas le message que nous adressons à nos troupes », admet aujourd’hui le Dr Franck Devulder, patron de la CSMF. « Si nous appelons à fermer les cabinets, ce pourrait être dangereux pour les patients dans certains endroits, il y aura des morts », ajoute la Dr Sophie Bauer, présidente du SML. « Nous, médecins installés, soutenons les jeunes médecins, mais chacun réagira à cet appel suivant sa spécialité. Quand des opérations sont prévues, ce n'est pas évident d'arrêter. Déprogrammer réclame une logistique importante », reconnaît aussi le Dr Philippe Cuq, coprésident de l'Union Avenir Spé Le Bloc, majoritaire au sein des plateaux techniques lourds.
Une cagnotte pour les jeunes
La FMF en revanche annonce pour sa part avoir transmis un mot d’ordre de fermeture généralisée à ses adhérents à partir du 28 avril…Cette discordance n’est qu’apparente, tempère la Dr Agnès Giannotti, à la tête de MG France. « Nous serons en majorité avec les jeunes médecins pour battre le pavé à leurs côtés. Et de fait, les cabinets seront clos pour ceux qui viendront manifester », souligne la cheffe de file du syndicat de généralistes.
D’autant qu’il y a aussi d’autres façons de soutenir ce combat. Un compte HelloAsso spécifique a déjà été créé par l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf). Son objet ? Soutenir financièrement les externes et internes durant le mouvement de grève si ce dernier venait à durer. Un mode de soutien que relaient les différents syndicats sur leur propre site en appelant à cliquer sur le lien : « Donner une consultation pour sauver la médecine libérale ». L’argent récolté sera réparti entre l’Anemf, l’Isnar-IMG, l’Isni et le SIHP, est-il précisé.
La PDS, l’autre front commun
Le danger qui plane sur la liberté d’installation n’est pas la seule épée de Damoclès. L’article 4 de la PPL Garot, qui devrait revenir devant les députés à partir du 6 mai, prévoit un retour à l’obligation de permanence des soins (PDSA). Une mesure coercitive supplémentaire qui fera « fuir les plus jeunes de la médecine libérale », prédit l’intersyndicale.
Face à cette « hérésie », la profession fait bloc, cette fois, sur la marche à suivre, annonçant à compter du 28 avril, une grève de la permanence des soins ambulatoires (PDSA) comme dans les cliniques (PDSES) ainsi que la cessation de la participation aux services d’accès aux soins (SAS). Hasard du calendrier, les praticiens hospitaliers du secteur public ont annoncé de leur côté le début d’une « grève illimitée de la permanence des soins » à partir du 1er mai pour obtenir la revalorisation de leurs astreintes. Si les deux mouvements du privé et du public opèrent une jonction, la continuité des soins pourraient être fragilisée. De quoi donner des sueurs froides aux ARS.
Faites-moi des propositions ! exhorte Ségur
« S’il y a un message que nous voulons faire passer aujourd’hui, c’est que la jeunesse médicale a besoin d’aide pour s’installer, pas de coercition », résume la Dr Anna Boctor, à la tête de Jeunes Médecins. La pédiatre libérale installée dans la région niçoise veut croire que son appel sera entendu par le ministère de la Santé, avec qui le contact n’est pas rompu malgré la préparation de ces grandes manœuvres. « Faites-moi des propositions » avait, en substance, rétorqué le ministre de la Santé Yannick Neuder en direction des représentants de la profession, face au tollé médical ayant suivi de l’article sur la régulation à l’installation.
Depuis plusieurs jours, les syndicats de jeunes médecins s’attachent à démonter les fake news et autres idées reçues, selon eux, de la PPL Garot. Les juniors (Anemf, Isnar-IMG et Reagjir) ont dégainé leur propre proposition de loi, construite, avec « des solutions concrètes, réalisables, issues du terrain, qui amélioreraient durablement l’accès aux soins ». Misant sur la simplification, ils préconisent de libérer du temps médical et de faciliter l’exercice mixte ville/hôpital. De son côté, la CSMF présentera ses réponses le 23 avril. Suffisant pour faire reculer les députés ?
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