La mise sous cloche du pays, décidée mi-mars pour enrayer l’épidémie de coronavirus, a retardé l’installation de jeunes médecins. Elle a également retardé le départ la retraite de certains de leurs aînés. Médecin de famille installé à Malakoff (Hauts-de-Seine) − à deux pas des locaux du Généraliste —, le Dr Emmanuel Héau, 67 ans, avait prévu de partir à la retraite au 1er avril. Celle-ci s’annonçait active pour celui qui fut le premier médecin de l’émission d’aventure Koh-Lanta, avec une mission prévue « dans une vallée de l’Inde qui touche le Tibet » auprès « d’une population totalement isolée ».
Mais ça, c’était avant que l’épidémie de coronavirus ne rebatte les cartes et ne contraigne le Premier ministre à annoncer la mise en place du confinement. « Je suis médecin tropicaliste de formation. Quand j’ai vu la façon dont l’épidémie se développait, j’ai décidé de rester, confie le Dr Héau au Généraliste. Je ne pouvais pas laisser ma patientèle comme ça et j’ai donc décidé de prolonger jusqu’au déconfinement. » Une décision prise sans tergiversation, assure-t-il. « Je n’ai pas hésité car c’est notre métier, non pas de nous mettre en danger, mais d’être auprès de nos patients, insiste le néoretraité. On a tous prêté serment et on s’y tient. Il nous engage à aider et être proche des gens. »
« Mes patients étaient rassurés »
Pendant cinq semaines, le Dr Héau a donc joué les prolongations. De quoi soulager ses patients. Alternant téléconsultations et consultations physiques pour lesquelles il était vêtu d’une charlotte, d'une blouse, d'un surpantalon, d'une surblouse, de gants et d'un masque, le généraliste affirme n’avoir jamais reçu moins de 15 patients par jour à son cabinet. « La dernière semaine, c’était blindé », précise-t-il même.
Un engagement dont ses patients lui sont reconnaissants, comme en témoignent les messages et affiches collés devant son cabinet (voir photo ci-dessous). « Ils étaient rassurés », confie le Dr Héau, qui se dit par ailleurs « impressionné » par cette reconnaissance.
Petit bonus : ces quelques semaines de rab auront aussi permis au praticien de découvrir un autre Paris. « J’ai traversé tout Paris pour rendre visite à un patient. C’était extraordinaire ! Quel silence ! », relève-t-il.
Du repos, avant des missions en zone tropicale
Après une visioconférence — confinement oblige — avec amis et famille organisée par sa femme jeudi soir pour célébrer la fin de sa carrière, le Dr Héau a désormais un « grand projet » : « [se] reposer et décolérer » contre la classe politique. « Avoir balancé les soignants, dont les généralistes, sans masques — et ça continue — est vraiment une honte .
Joint ce lundi matin, le généraliste retraité confie se sentir « léger » et « détendu ». « Être médecin demande une très grande concentration. C’est une responsabilité énorme aussi », souligne-t-il.
Après un peu de repos bien mérité dans le Loiret, le praticien reprendra le stéthoscope et assurera de courtes missions dans des lieux tropicaux. Sa mission en Inde annulée, il devra toutefois attendre octobre et une mission à l'hôpital de Mamoudzou (Mayotte) pour cela. Quand raccrochera-t-il une fois pour toutes le stéthoscope ? Réponse de l'intéressé : « Je n’ai pas de limite pour l’instant, je continuerai jusqu’à un âge raisonnable et tant que je ne suis pas dépassé par la connaissance. Je suis en pleine santé ! »
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