Publié le 30 octobre au Journal officiel, le décret d’application de l’article 73 de la loi de financement de la Sécurité Sociale (LFSS) 2024 soulève un tollé du côté des syndicats de médecins libéraux.
Applicable depuis le 1er novembre, cette disposition réglementaire conditionne le remboursement de « certains produits de santé » « au renseignement par le prescripteur d'éléments relatifs aux circonstances et aux indications de la prescription ». Ces informations sont à porter « sur l'ordonnance ou sur un document dédié, joint à l'ordonnance ».
Pour l'établissement de ce document, le décret précise que le prescripteur a en principe recours au téléservice dédié. « Par exception, peut-on lire dans le texte, le prescripteur peut compléter un questionnaire disponible sur le site de l’Assurance-maladie qu'il adresse par voie postale, ou tout système de communication sécurisé mis en place par l’Assurance-maladie, au service du contrôle médical placé auprès de l'organisme d’assurance-maladie de l'assuré ».
Cette rédaction n’est pas sans rappeler l’article 16 du projet de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. Dans cet article controversé repoussé lundi soir par les députés en première lecture*, cette contrainte en matière de conformité de certaines prescriptions était d’ailleurs élargie à la biologie, à l’imagerie médicale et aux transports de patients.
La publication du décret fin octobre a fait sortir les médecins de leurs gonds. Selon le Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint de MG France, ce texte a été pris « sans aucune concertation avec la profession ». Pour le syndicat de médecins généralistes, le gouvernement, mû par une volonté purement « comptable », souhaite uniquement enrayer la dynamique des dépenses de certains médicaments onéreux comme l’Ozempic. Or, l’utilisation de cet analogue du GLP-1 indiqué dans le diabète de type 2, insuffisamment contrôlé, est détournée hors des indications thérapeutiques remboursables (ITR) dans une optique d'amaigrissement pour des sujets non diabétiques. « Si nous ne surveillons pas les conditions dans lesquelles [l’Ozempic] est prescri[t], avait reconnu la semaine dernière Thomas Fatôme, auditionné par le Sénat, je peux vous dire qu'alors là, les centaines de millions d'euros de dépenses, on va les avoir extrêmement, extrêmement, rapidement ». D’autres médicaments seraient dans le viseur du gouvernement et de la Cnam comme le Versatis (patchs antidouleurs).
« Or, rappelle le Dr Nogrette, nos prescriptions hors ITR sont déjà contrôlables. Si le prescripteur n’indique pas la mention NR pour une prescription hors ITR, il est fautif et doit rembourser ». Alors pourquoi ce décret ? « Ce texte est là pour nous décourager de prescrire tout court et c’est totalement contraire aux intérêts des patients », ajoute le généraliste de Feytiat (Haute-Vienne).
Décret « méprisant » pour l’UFML-S
De son côté, le Dr Richard Talbot (FMF) affirme que « cette disposition est faite pour repérer facilement les prescriptions non conformes, et dans un premier temps faire en sorte qu’elles ne soient pas remboursables en l’absence de renseignements ». Dans son analyse détaillée, publiée sur le site du syndicat, le médecin rappelle que la convention médicale a fixé la hausse « de la part des prescriptions médicales dans les ITR et les durées de traitement recommandées par la HAS pour viser 80 % de prescriptions conformes (NR/ou ITR) en utilisant les outils d’accompagnement à la prescription de l’Assurance-maladie pour quelques molécules identifiées ». Pour le Dr Talbot, avec ce décret, la prochaine cible de contrôles de la Cnam et des procédures de récupérations d’indus portera « à coup sûr » sur les analogues des GLP-1. Il accuse la Cnam de vouloir « compliquer la vie des prescripteurs au point qu’ils laissent tomber les molécules “dangereuses” ».
Face à ce nouveau coup de pression sur la profession, MG France compte demander à la ministre de la Santé de « corriger cette erreur profonde qui va impacter l’accès aux soins ». L’UFML-S dénonce quant à lui « un décret méprisant qui va directement aggraver les difficultés d’accès aux soins et augmenter les pertes de chances des patients en raison d’une surcharge de travail administratif, injustifiée et chronophage ». « Quand la loi menace la qualité et l’accès aux soins, il est du devoir des médecins de désobéir », conclut le Dr Jérôme Marty, président du syndicat.
* MISE A JOUR (mardi 9H) : Lundi soir, en première lecture, les députés ont supprimé le dispositif proposé par le gouvernement visant à subordonner le remboursement de certains actes, médicaments ou transports sanitaires à un document établi par le professionnel de santé établissant le « caractère raisonnable » de la prescription.
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