Pour Agnès Buzyn, c'est un nouveau coup de semonce de la part des élus sur l'accès aux soins ! Et nouveauté, cette fois, il vient en partie de l'intérieur même de la majorité...
Dans une tribune sur l'accès aux soins publiée par le « JDD », 118 élus – 35 députés, 60 sénateurs et 23 élus locaux principalement LREM, du centre et LR – estiment que le compte n'y est pas du tout en matière de téléconsultations, qui « peinent à émerger ».
« La France se transforme en un vaste désert médical et, à cet égard, un seul chiffre doit nous guider : ce phénomène concerne aujourd’hui plus d’une commune sur trois », s'agacent les élus parmi lesquels le Pr Jean-Louis Touraine, député LREM du Rhône, vice-président de la Fédération hospitalière de France (FHF) ou encore le Dr Jean-Pierre Door, vice-président de la commission des affaires sociales, député LR du Loiret.
Urgence
Alors que, soulignent les auteurs de la tribune, la suppression du numerus clausus ne produira ses effets que dans 10 ans, la téléconsultation est un « des leviers d’action immédiats et efficaces pour les Français ». « Elle permet d’apporter un médecin à ceux qui n’y ont plus accès, mais aussi de répartir le temps médical sur tout le territoire national sans remettre en cause la liberté d’installation chère aux médecins », peut-on lire. Or, se désolent les élus, en six mois, « seulement » 7 939 actes de téléconsultation ont été remboursés, loin de l’objectif des 500 000 actes initialement prévus pour 2019...
Tous dénoncent les « blocages administratifs » qui limitent le déploiement des téléconsultations remboursées. Et pointent la détresse des Français. « Pourquoi l’Assurance-maladie souhaite-t-elle limiter la téléconsultation aux médecins proches du patient, alors que son remboursement a été voté pour venir en aide aux patients qui n’ont précisément pas accès aux soins près de chez eux ? Dans une optique de suivi et d'évaluation des mesures votées, pourquoi ne pas imaginer un compte rendu bisannuel sur l’application de cette mesure si importante pour l’accès aux soins, devant parlementaires et élus locaux ? », proposent-ils.
Illusoire
Cette tribune qui semble réclamer un déploiement massif de la télémédecine, y compris hors parcours de soins, a fait réagir la CSMF. Pour la centrale de Jean-Paul Ortiz, il est « illusoire de croire que la télémédecine sera la panacée pour mettre fin aux problèmes d’accès aux soins ».
Mais surtout, cette pratique à distance ne doit pas se déployer au détriment de la qualité des soins. « Une téléconsultation ne remplacera jamais une consultation en cabinet (...). Nous n’accepterons pas la création d’une médecine à deux vitesses, dont l’une se ferait uniquement par écrans interposés, alerte la Confédération. Cela ne serait pas juste ni équitable. Sans parler que cela supposerait une connexion Internet correcte partout, ce qui est loin d’être le cas, en particulier dans les zones où on manque de médecins… »
Bouet charge la « technostructure du ministère »
Interrogé lui aussi dans le JDD sur la télémédecine, le président de l'Ordre national des médecins affiche également sa prudence sur cette pratique. « Elle est une avancée mais c'est un leurre de dire qu'elle réglera tout. Les Français réclament du lien humain, des généralistes, pas des médecins sur leur smartphone ! Et les nouvelles technologies peuvent être le cheval de Troie des assureurs », met en garde le Dr Patrick Bouet.
Au passage, il juge sévèrement la politique d'Agnès Buzyn. « Les citoyens ne tolèrent plus le manque d'équité ressenti dans l'accès aux soins », tance le généraliste de Seine-Saint-Denis. Il redoute à cet égard que le projet de loi Buzyn ne soit qu'un plaquage sur les territoires de la « volonté de normalisation administrative de la puissante technostructure du ministère ». « Il y a un énorme hiatus entre l'espoir suscité par la promesse de réforme et les faits », tranche le Dr Bouet.
1 000 téléconsultations par semaine
La charge des élus et les vives critiques de l'Ordre des médecins tombent très mal pour Agnès Buzyn en pleine opération de promotion de son plan anti-déserts médicaux, et à quelques semaines de l'examen de sa loi de santé par le Sénat.
Lors d'un déplacement thématique dans la Manche, vendredi 3 mai, Agnès Buzyn avait ainsi défendu et illustré les « premiers effets positifs » de sa politique en matière d'accès aux soins, salué le recrutement en cours de 400 généralistes salariés dans les déserts et l'extension prochaine à « d'autres spécialités médicales ».
Pour encourager l'exercice en zone sous-dense, le seuil d’exonération du cumul emploi retraite sera relevé de 40 000 à 80 000 euros, avait-elle annoncé. Et côté télémédecine, la ministre aime à se réjouir d'une moyenne de 1 000 téléconsultations remboursées par semaine... Vraiment pas de quoi pavoiser !, viennent de répliquer les élus et l'Ordre.
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