Il vient de rouvrir son cabinet, mais le Dr Baris Cecen avoue être « encore secoué » ce mardi 6 février, une semaine après l’agression dont il a été victime. On peut le comprendre : en un an et demi d’installation en solo à Audincourt (Doubs), la ville qui l’a vu grandir, ce généraliste de bientôt 31 ans en est à sa troisième agression. Pour sa première triste expérience, c’est un patient qui l’avait menacé d’un couteau pour obtenir une prescription de traitement substitutif. Dans la deuxième affaire, c’est sa jeune secrétaire de 25 ans, enceinte, qui avait dû faire face à un patient agressif. Le dernier acte de violence, intervenu mardi 30 janvier, pourrait être celui de trop. Le jeune généraliste n’exclut pas d’abandonner la médecine générale.
« Juste avant 10 heures, raconte-t-il au Quotidien, j’étais en consultation avec une patiente lorsque j’entends une voix masculine en train de crier dans la salle d’attente : “C’est où son bureau ?” Je suis sorti pour voir ce qu’il se passait en pensant à protéger ma secrétaire ». Un monsieur très agressif accompagné d’une femme plus jeune gesticulait dans la salle d’attente, en retard à leur rendez-vous. Le Dr Cecen tente de désamorcer la situation, en expliquant que ce rendez-vous qui ne présente « aucun caractère d’urgence médicale » peut facilement être reprogrammé.
Huit jours d’ITT
« Je suis retourné pour continuer ma consultation. Mais deux minutes après, j’entends que ça recommence à crier. Je suis ressorti pour dire au patient de sortir du cabinet. Là, il s’est mis en position de boxeur en me disant : “Qu’est-ce qu’il y a, viens, viens” ». Le forcené d’une soixantaine d’années parvient à faire chuter brutalement le médecin. Les deux se retrouvent au sol. Bilan, blessure à la hanche gauche et au genou droit pour le Dr Cecen. Son passage aux urgences lui vaudra 8 jours d’ITT. Mais ce n’est pas cela qui l’exaspère le plus.
La police nationale, venue juste après la rixe, prend le nom de l’énergumène, mais le laisse libre de repartir. Le Dr Baris Cecen a bien sûr porté plainte au commissariat. « Je n’ai toujours pas de nouvelles. Comme lors des deux agressions précédentes », se désole-t-il. Depuis, le généraliste s’est aussi tourné vers le maire de la ville d’environ 15 000 habitants pour voir ce « qu’on pouvait faire avec la police, mettre en place des caméras à l’extérieur ou dans le cabinet et installer un système de protection ».
Mais c’est surtout l’absence de réaction du conseil départemental de l’Ordre des médecins qui le déçoit le plus. « Je les ai prévenus immédiatement pour dire que j’avais été agressé physiquement », expose-t-il pourtant. Ce mardi, l’Ordre était toujours aux abonnés absents. « J’ai vraiment l’impression d’être laissé seul », regrette le médecin de famille qui peut du moins s’appuyer sur le soutien de ses confrères et de ses patients. « Beaucoup d’entre eux m’ont adressé des messages de solidarité chaleureux ».
« J’essaie de faire de mon mieux dans une époque où l’accès au médecin généraliste devient très compliqué.
En ce début de semaine, le Dr Baris Cecen a rouvert son cabinet pour ses patients. « J’essaie de faire de mon mieux dans une époque où l’accès au médecin généraliste devient très compliqué. Mais quand on voit qu’on se fait agresser pour quelque chose de très banal, un retard de rendez-vous, on remet un peu tout ça en question. » D’autant plus que son cabinet, situé à deux minutes du centre-ville, n’est pas répertorié comme une zone en difficulté.
Aujourd’hui, le Dr Cecen souhaite encore alerter les autorités. « Si, au niveau judiciaire, rien n’est fait et qu’on laisse la porte ouverte a des telles agressions physiques à l’encontre des généralistes, je me tournerai sans doute vers la médecine du sport, un exercice mixte ou hospitalier. Pourtant, j’adore la médecine générale ». Un message de soutien ordinal serait également le bienvenu.
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