Alors que l'intersyndicale — qui regroupe les six organisations représentatives des médecins libéraux — a suspendu mercredi son mouvement de grève illimitée à la suite de l'annonce de la reprise des négociations conventionnelles, des médecins contestataires refusent encore de baisser la garde.
C'est notamment le cas en Mayenne, où un collectif de 103 praticiens libéraux — dont 102 généralistes — poursuit le mouvement de grève de la permanence des soins ambulatoires (PDS-A) depuis le 13 octobre.
Lever de boucliers
Les grévistes récusent la décision de l'agence régionale de santé (ARS) Pays de la Loire d'amputer une partie (89 000 euros, NDLR) du budget de fonctionnement de l'ADOPS 53, l'association en charge de la permanence des soins en Mayenne, pour l'année 2023. « Cette somme représente 25 % de la masse salariale, c'est inadmissible ! Si nous n'obtenons pas la totalité de nos financements pour 2023, cela pourrait signer la fin de notre activité », se désole le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes CSMF, à la tête du collectif de médecins mayennais.
Cette décision de l'ARS, qui intervient à quelques mois de la fin de l'année, est très mal vécue par les médecins du territoire — particulièrement engagés dans la PDS-A de longue date. En Mayenne, 93 % des généralistes du département participent régulièrement à cette organisation, soit en tant qu'effecteur soit en tant que régulateur, évalue le Dr Duquesnel.
Dans un contexte sensible, la gronde des médecins mayennais ne faiblit donc pas. « Une immense majorité des médecins généralistes, je dirais les trois quarts — sur les 185 que compte le département —, sont en grève. Le week-end dernier, 100 % des médecins régulateurs étaient à l'arrêt. Les gendarmes en ont tellement ras-le-bol de réquisitionner des médecins que l'ARS envoie maintenant des huissiers… De leur côté, les médecins font tout pour ne pas être réquisitionnés. La nuit dernière, le tableau de gardes était presque vide », un signe qui ne trompe pas, fait remarquer le médecin de famille.
Surcharge de travail en Bretagne
Plus à l'Ouest encore, un collectif de 80 généralistes du Morbihan avait suivi l'appel à la grève nationale depuis le 13 octobre. Et si la plupart d'entre eux ont repris leur activité au lendemain de l'appel à la suspension de la mobilisation, certains étaient toujours à l'arrêt ces jours-ci.
Les portes du cabinet du Dr Gwenael Taton, généraliste à Port-Louis, semblaient closes. Après quelques secondes d'attente, la messagerie de son répondeur indique : « Le cabinet médical de Port-Louis, sera fermé jeudi et vendredi en raison d'une surcharge administrative de travail. En cas d'urgences, vous pouvez contacter le 15 ou contacter la maison médicale de Lanester. Vous pourrez reprendre rendez-vous à partir du lundi 23 octobre ».
La tentation du déconventionnement
De son côté, le Dr Vincent Toupin, installé à Ploemeur (Morbihan) et membre du collectif breton, a repris son activité jeudi. Le généraliste — qui n'affiche aucune étiquette syndicale —, refuse de croire aveuglément à une amélioration rapide de la situation. « Les négociations conventionnelles devront être basées sur un respect de la profession et une revalorisation adéquate des consultations pour l'ensemble des médecins libéraux », met-il en garde. En l'absence de telles garanties, le collectif de médecins bretons — qui a déjà adressé à la directrice de la caisse de Vannes une lettre d'intention de déconventionnement collectif (signée par les 80 médecins) — n'hésitera pas à mettre sa menace à exécution. « Ce déconventionnement collectif pourrait intervenir dès février 2024 », indique le Dr Vincent Toupin qui songe à titre personnel à cette possibilité. « Il y a encore un an, je n'y aurais jamais pensé », confie-t-il.
Mais la situation actuelle, entre échec des négos et surcharge administrative pousse « de nombreux médecins à songer à jeter l'éponge ou s'orienter vers une activité plus lucrative comme la médecine esthétique », alerte celui qui envisage lui-même de suivre une formation en mésothérapie dans le cadre de la médecine du sport.
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