La loi du 18 janvier 1994 a imposé l’égalité des soins entre les personnes détenues et la population générale. Dès lors, la prise en charge médicale des personnes en détention est assurée par les unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP), des unités hospitalières implantées au sein des établissements pénitentiaires. Rattachées à des centres hospitaliers, les équipes médicales de ces structures assurent la prise en charge des personnes détenues. Durant toute la durée de leur incarcération, « nous sommes les médecins traitants de ces détenus », précise la Dr Béatrice Carton, qui exerce au centre pénitentiaire Bois-d’Arcy et préside l’Association des professionnels de santé exerçant en prison (APSEP).
Cet exercice de la médecine dans un milieu carcéral implique de savoir travailler dans un environnement fermé. Il reste peu connu et les médecins y arrivent souvent par hasard, « soit parce qu’une USMP est présente dans leur hôpital d’exercice, soit parce qu’ils en ont entendu parler à travers une annonce du Conseil de l’ordre par exemple », témoigne la présidente de l’APSEP. Ce sont le plus souvent des généralistes, des urgentistes ou encore des infectiologues qui, même si des formations existent, apprennent ce métier sur le mode du compagnonnage, par la pratique au contact avec les autres professionnels déjà présents.
Des unités indépendantes
Leur action commence dès l’arrivée de la personne détenue avec un bilan de santé proposé à tout le monde comprenant notamment le dépistage de plusieurs pathologies comme le VIH, les hépatites ou encore certaines addictions. Le suivi des patients se fait ensuite comme dans n’importe quel cabinet de ville. Cela comprend la prise en charge des maladies chroniques et aiguës, des urgences quand il y en a ou encore un accompagnement dans le soin car « ces personnes peuvent être, pour différentes raisons, en rupture de soins à l’extérieur », indique la Dr Mélanie Kinné, médecin à la maison d’arrêt de Nîmes et secrétaire de l’APSEP. Ces équipes pluridisciplinaires, plus ou moins importantes selon l’établissement dans lequel elles évoluent, peuvent compter en plus des médecins, des infirmières, des secrétaires, des aides-soignantes, des pharmaciens et des psychologues. En cas de besoin, des soins spécifiques sont apportés Elles sont ainsi en mesure de prendre en charge plusieurs types de pathologies comme le diabète, l’hypertension, les problèmes orthopédiques ou encore les maladies infectieuses… Ce qui ne peut pas être traité sur place est pris en charge par l’hôpital de rattachement de l’unité.
Durant les consultations, nous sommes seuls avec le patient
Dr Béatrice Carton
Bien qu’ils travaillent dans les murs d’établissements dépendant du ministère de la Justice, ces médecins restent indépendants de cette juridiction. D’un point de vue hiérarchique, ils dépendent d’abord d’un centre hospitalier, de l’ARS puis du ministère de la Santé. Cette organisation nécessite de concilier les exigences de sécurité de l’environnement carcéral et les impératifs de la pratique médicale. La question de la confidentialité est majeure pour ces professionnels de santé. « Même s’il peut y avoir un surveillant dans le couloir ou à l’entrée du service, durant les consultations, nous sommes seuls avec le patient. Ceci afin de mener, le plus possible, des consultations comme à l’extérieur », précise la Dr Carton.
Vivre au rythme d’une prison
Cet exercice reste malgré tout soumis au rythme de vie propre au milieu carcéral. La restriction de circulation des personnes détenues peut gêner l’activité de ces médecins. Le contact avec le patient se fait par la voie du courrier et l’intervention d’un surveillant pour l’accompagner les empêche parfois de venir consulter quand bon leur semble. « Même si on les convoque, il peut arriver qu’on ait du mal à voir des patients en consultation », fait remarquer la Dr Béatrice Carton. De même pour les médecins qui peuvent « se retrouver coincés 10 minutes devant une porte parce qu’un transfert se déroule en même temps », témoigne la Dr Kinné.
Des contraintes propres au milieu carcéral qui demande à ces médecins de s’adapter en permanence aux situations qu’ils rencontrent. Que ce soit aux horaires, aux patients, aux pathologies et aux différents moments de vie d’une prison. « Il arrive que par moments, les mouvements s’arrêtent dans la prison, nous avons affaire à des blocages et on ne peut plus voir personne, déplore la présidente de l’APSEP. À l’inverse, à d’autres moments, la circulation s’améliore et on voit arriver 15 personnes en même temps dans le service ».
« On ne travaille pas pour autant dans le pire endroit sur terre », tempère-t-elle. Les conditions d’exercice restent particulières et très différentes des conditions d’un cabinet en ville ou de l’hôpital, mais « ce n’est pas un hasard si les médecins qui exercent dans ce milieu y restent car c’est une médecine polyvalente et attachante », conclut-elle.
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