Après huit spécialités cliniques début décembre, c’est au tour de six spécialités, médico-techniques cette fois, (anatomo-cyto-pathologie, gastro-entérologie, médecine physique et de réadaptation, néphrologie, ophtalmologie et radiologie) de faire l’objet d’une réunion thématique spécifique entre les partenaires conventionnels. Cette dernière se tient ce jeudi 11 janvier, au matin.
À l’occasion de ce nouveau rendez-vous, le Dr Bruno Perrouty, chef de file de la branche spécialiste de la CSMF, s’étonne de l’hétérogénéité des profils des spécialités concernées mais relève la similarité des tendances qui les concerne en matière de baisse de démographie et d’activité libérale. Le neurologue livre les ordonnances de son syndicat pour enrayer le phénomène et améliorer l’accès aux soins des Français, notamment via le développement des équipes de soins spécialisés (ESS).
LE QUOTIDIEN : Le document de travail de l’Assurance-maladie sur lequel s’appuient les discussions de ce jour observe, en 10 ans, une baisse constante de la part du libéral chez les médecins spécialistes. Est-ce une tendance qui vous inquiète ?
DR BRUNO PERROUTY : Tout d’abord, je suis un peu surpris par l’hétérogénéité des spécialités médico-techniques qui font l’objet de nos discussions. L’anapath’ et la radiologie sont deux spés qui sont sous risque de financiarisation. Alors que les ophtalmologues et les gastro-entérologues, c’est différent. Ce sont certes des spécialités médico-techniques, mais elles ont aussi une activité clinique importante. À ce titre, on aurait aussi pu avoir les ORL, la cardio et la neuro. Quant aux médecins physique et de réadaptation, il y en a quelques-uns en libéral, mais la plupart ont besoin de plateaux techniques et exercent le plus souvent dans des centres de rééducation. Cela étant dit, les chiffres sont assez similaires en tendance. L’âge moyen d’installation est plus précoce, les départs plus tardifs. À l’arrivée, les effectifs ont tendance soit à diminuer, soit à se stabiliser et l’activité libérale est une activité qui diminue. Ce sont en effet des éléments inquiétants.
Que propose la CSMF pour enrayer ce phénomène ?
La convention doit favoriser l’accès aux soins. Et cela passe par la reconnaissance à sa juste valeur de l’expertise médicale. Nous fixons l’expertise de niveau 2 à 60 euros. Les spécialistes autres que ceux de médecine générale doivent faire essentiellement de l’avis d’expert. Il faut arrêter de suivre les patients tous les deux ou trois mois. Cela n’a pas de sens. C’est en collaboration avec le médecin traitant qu’on doit suivre une ou deux fois par an les patients ou éventuellement en faisant appel aux IPA. Je pense qu’ainsi, par l’espacement de leurs consultations pour le même patient, les spécialistes pourraient augmenter leur file active de 10 %.
La Cnam indique un nombre croissant de spécialités qui basculent en secteur 2 (voir tableau ci-dessous). Une bonne occasion d’avancer sur l’option de pratique tarifaire maîtrisée (Optam) ?
Ce n’est pas étonnant, l’inflation est passée par là. Nous avons calculé à la CSMF qu’entre 2017 et 2024, cette inflation, en cumulé, atteint environ 20 %. Nous disons au gouvernement : si vous n’avez pas les moyens pour des revalorisations significatives parce qu’il y a 3 000 milliards de dette, il faut dans ce cas trouver un espace de liberté tarifaire. On sait qu’en secteur 2, si vous ne dépassez pas les tarifs conventionnés d’au moins 18 %, vous êtes perdants. Les charges sociales supplémentaires ne seront pas compensées. Nous proposons un dépassement aux alentours de 50 % sur un nombre d’actes déterminés qui seraient solvabilisés par les mutuelles. Nous avons eu l’occasion d’en parler avec les différents responsables des mutualités, dont Éric Chenut, le patron de la Mutualité. Il faut un Optam révisé pour tous.
Les négociations se focalisent principalement sur le C à 30 euros. Ne craignez-vous pas, si les généralistes obtiennent gain de cause, que les spécialistes doivent se contenter des restes ?
Un peu, oui. On voit bien que c’est une convention qui veut mettre en avant les médecins traitants. Pour les spécialistes de la CSMF, c’est tout à fait normal, le médecin traitant est le pivot. Mais il faut que la convention soit équilibrée. Nous savons que ce ne sera pas un équilibre à 50/50. Ce que je souhaite, encore une fois, c’est qu’il y ait une vraie valorisation de l’expertise médicale et une simplification de la cotation avec une hiérarchisation simple. Nous croyons aussi qu’il faut donner un petit coup de pouce sur le point travail qui n’a pas bougé depuis plus de 20 ans. Ce serait un signe envers les entreprises médicales en difficulté. Les salaires et l’énergie ont beaucoup augmenté, c’est important. L’autre coup de pouce concerne la coordination, avec notamment les équipes de soins spécialisés (ESS) pour favoriser l’accès aux soins. Avec ces trois éléments-là, dans le cadre d’une maîtrise médicalisée et non comptable, il y a sûrement une voie de passage pour signer une convention. Maintenant, il faut que le gouvernement comprenne, même si on ne connaît pas encore notre nouveau ministre de la Santé, que la médecine libérale est indispensable pour garantir l’accès aux soins de nos concitoyens.
À propos de nouveau ministre de la Santé, y a-t-il des noms en particulier qui enverraient de mauvais signaux aux médecins libéraux et pèseraient sur les négociations ?
Ce qui compte dans un ministère, c’est la politique menée. Si, au hasard, était choisi Frédéric Valletoux, ce n’est pas la personne en tant que telle qui m’importe. J’ai fait mes études de médecine à Montpellier et mon professeur de microbiologie était Jacques Ralite. Il était communiste, et pourtant j’ai souvent entendu dire dans mon parcours de libéral qu’il fut l’un des meilleurs ministres de la Santé français.
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