« La réunion avec la Cnam a été très tendue », confie le Dr Jean-Christophe Nogrette. Le secrétaire général adjoint de MG France décrit ainsi la séance de travail d’hier, 11 juin, entre la Cnam et trois syndicats de médecins libéraux (CSMF, MG France, FMF) sur les modalités de la nouvelle campagne de contrôle des arrêts de travail. Ce sujet très sensible a fait l’objet d’un échange un peu vif entre Thomas Fatôme, directeur général de l’Assurance-maladie, et des généralistes inquiets réunis au Havre pour le congrès de MG France, en fin de semaine dernière. « Malgré nos protestations, la Cnam applique toujours sa méthode statistique pure et dure », a constaté le Dr Nogrette.
Contactée par Le Quotidien, l’Assurance-maladie précise que « moins de 500 médecins sont concernés par la première vague de courriers ». Avant de recevoir la missive, les médecins ciblés vont d’abord être prévenus par téléphone de la démarche. Les courriers qui devraient partir « la semaine prochaine, avant le 20 juin » sont destinés à demander aux praticiens leur observation sur leur niveau de prescriptions d’IJ par patient actif. Les médecins ont donc la possibilité d’adresser leurs explications écrites ou demander un entretien avec leur caisse primaire. « Ce n’est qu’à l’issue de cette phase contradictoire que la poursuite de la procédure de mise sous objectifs (MSO) sera décidée », rappelle la Cnam. Une procédure qui sera effective à partir du 1er septembre prochain pour une durée de six mois. Une deuxième vague de contrôle « d’une ampleur équivalente » est aussi prévue à une date ultérieure.
Une méthode affinée, les récidivistes dans le viseur
Interrogée sur le ciblage, l’Assurance-maladie affirme avoir « affiné » sa méthode de comparaison géographique du lieu d’exercice des médecins, par rapport à la campagne précédente. Il ne s’agit plus d’une comparaison entre communes identiques d’une région mais entre quartiers regroupés en fonction de critères socio-économiques (revenu fiscal médian par unité de consommation ; part des diplômés de niveau baccalauréat minimum dans la population de 15 ans ou plus non scolarisée ; part des ouvriers dans la population active de 15 à 64 ans ; part des chômeurs dans la population active de 15 à 64 ans). « Chaque médecin est comparé aux médecins qui exercent au sein de territoires présentant le même niveau de fragilité socio-économique et avec une offre médicale disponible proche », souligne la Cnam. Puis comme précédemment, les données sur la patientèle sont « corrigées » afin de neutraliser l'effet des éventuelles différences de structure de patientèle entre les médecins. Les praticiens qui prescrivent « au minimum le double d’arrêts de travail que leurs confrères à caractéristiques identiques sont concernés par la procédure de mise sous objectif ».
« C’est 1 000 médecins généralistes qui vont faire l’objet d’un contrôle », calcule pour sa part le Dr Nogrette en additionnant les deux vagues à venir. Par ailleurs, des entretiens confraternels ont été prévus. « Mais on ne sait pas le nombre de médecins concernés », souligne le syndicaliste. Selon la Dr Patricia Lefébure, présidente de la FMF, seront visés « en priorité » les médecins généralistes qui ont déjà eu une MSO-MSAP (mise sous accord préalable) par le passé et ceux qui ont fait l'objet d'une demande d'entretien confraternel au cours des derniers mois mais dont le niveau de prescription reste toujours élevé. Lors de la campagne précédente, lancée à l'été 2023, les caisses primaires avaient contacté 5 000 généralistes à des entretiens confraternels et 15 000 avaient reçu au moins une visite de délégués de l’Assurance-maladie pour les avertir d’une pratique excessive.
Ceux qu’on va encore harceler sont les médecins traitants
Dr Luc Duquesnel, Les Généralistes-CSMF
Dans un contexte financier dégradé, la Cnam assume « la responsabilité » de s’assurer de la « pertinence » des prescriptions d’IJ, dont la dynamique des dépenses est de « 5 à 8 % par an ». « On sait bien que 60 % des dépenses sont liées au vieillissement de la population, aux conditions de travail. Mais pour 40 %, on ne sait pas pourquoi. Il y a certes pleins de facteurs, mais 40 %, c’est quand même beaucoup », avait déclaré Thomas Fatôme, directeur général de la Cnam lors du congrès de MG France. Cet argument ne convainc pas le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF. « Aujourd’hui, nous prescrivons davantage d’arrêts de travail plus longs, affirme le généraliste de Mayenne. Pourquoi ? La santé mentale est un très gros pourvoyeur d’IJ en raison de la souffrance au travail. Et puis, les délais de rendez-vous chez un psychiatre sont longs. Ceux qu’on va encore harceler sont les médecins traitants. »
Les représentants des médecins regrettent cette nouvelle campagne « sans aucune concertation préalable ». « On a signé une convention où on dit qu’on va faire de l’information et des formations pour augmenter la pertinence des arrêts de travail et là on tape sur les médecins. C’est insupportable », estime la Dr Sophie Bauer, présidente du SML – syndicat qui n’était pas convié à la réunion du 11 juin car non représentatif des généralistes.
Comme lors de la précédente campagne de la Cnam, les organisations syndicales appellent les praticiens ciblés à « se faire accompagner » et « à refuser systématiquement la mise sous objectifs », qui revient selon eux à reconnaître déjà des prescriptions abusives et erronées d'arrêts de travail. Pour rappel, en 2023, seuls 400 médecins avaient été mis sous objectifs et 300 sous accord préalable pour leurs IJ.
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