À peine lancé, le nouveau dispositif d’accompagnement à la prescription des analogues du GLP-1 (pour Ozempic, Trulicity, Victoza et Byetta) fait grincer les dents de plusieurs syndicats, qui dénoncent son caractère « chronophage », voire « lunaire ».
Depuis le 1er février, les médecins doivent remplir pour chaque patient concerné un formulaire accessible via un téléservice dédié sur amelipro, permettant de vérifier que leur prescription est conforme à l'autorisation de mise sur le marché (AMM) et aux indications thérapeutiques remboursables (ITR). Sans ce « justificatif » – ou en cas de prescription hors AMM - le médicament ne pourra pas être facturé par le pharmacien à l’Assurance-maladie.
Premier grief : cette mesure de justification, présentée il y a quelques jours par la Cnam comme un outil simple et rapide (quelques questions pour guider le prescripteur), reste vécue comme une contrainte, loin du « choc de simplification » promis par le ministre de la Santé Yannick Neuder, grince la CSMF. Au point que la centrale confédérale appelle au « boycott » d’un dispositif « qui rendra plus complexe l’exercice médical et la vie des patients ». Si le président de la CSMF déclare partager « à fond » l’objectif « louable » d’éviter les prescriptions hors des clous (notamment pour Ozempic), le Dr Franck Devulder conteste la méthode. « La Cnam nous demande a priori de faire son boulot, s’emporte le gastroentérologue de Reims. On est en train d’entrer dans une usine à gaz ». Pour la CSMF, il est simple d’identifier les patients souffrant d’un diabète, à la fois par l’historique de remboursement et la mention ALD figurant sur la carte Vitale. Pas besoin, donc, d’un justificatif. « L’Assurance-maladie demandait jusqu’ici aux médecins de bien faire leur travail. Maintenant, elle leur demande de confirmer a priori qu’ils le font bien ! », ironise la CSMF.
Notre boulot n’est pas de faire la police à la place de Cnam
Dr Agnès Giannotti, présidente de MG France
Le premier syndicat de généralistes, MG France, partage cette analyse, même s’il ne critique pas l’outil. « L’ergonomie du téléservice est correcte mais c’est du temps consommé. La Sécu a tous les éléments pour vérifier si la molécule prescrite est dans l’ITR ou non. Mais elle ne le fait pas et elle nous colle ce travail administratif. Les confrères ne comprennent pas », analyse la Dr Agnès Giannotti, présidente du syndicat. Pour l’heure, MG France n’appelle pas au boycott, car « c’est la loi ». « Mais nous nous opposerons à la multiplication de ce type de procédures car notre boulot n’est pas de faire la police à la place de Cnam », ajoute la généraliste parisienne.
La FMF met en garde les confrères contre une « démarche inutile », qualifiée de « lunaire » par le Dr Richard Talbot, expert du syndicat, qui a publié le 2 février une longue analyse critique de l’outil. La présidente de la FMF juge elle aussi que « la Cnam nous demande de fournir des éléments dont elle dispose déjà ». Mais plus problématique, elle épingle le formulaire sur le fond. « Il demande de dire si la prescription est faite ou non avec la metformine, déclare la Dr Patricia Lefébure. S’il n’y a pas de metformine car le patient ne la tolère pas, est-ce que le médicament sera tout de même remboursé ? » (les glutides en monothérapie ne sont pas remboursables puisque pas dans l’ITR). Face à cette inquiétude, la Cnam clarifie déjà les règles. Elle précise, en réponse à la FMF, que « le remboursement des glutides en l’absence de metformine se fera dans le cas où elle serait contre-indiquée ou mal tolérée ». Une communication sera faite en ce sens auprès des médecins.
Plus globalement, la Cnam met les points sur les « i » sur la pertinence et la simplicité de l’outil, qui ne devrait pas être une surprise pour la profession. Interrogée par Le Quotidien, elle rappelle que ce dispositif, prévu dans la loi Sécu 2024 et la nouvelle convention médicale, « a été largement concerté avec les syndicats de médecins signataires ». Quant à sa mise en place, elle répond à des enjeux de santé publique : « limiter les mésusages sur cette classe thérapeutique » et « éviter les tensions d’approvisionnement » dans un contexte de forte croissance de ces produits (+40 % de montants remboursés en 2023 sur Ozempic et près de 20 % sur la classe des aGLP-1).
Enfin, qu’on se le dise, le téléservice « prétesté par des médecins » est « simple d’utilisation », insiste la Cnam. Son recours concernerait pour chaque praticien « environ trois nouveaux patients seulement chaque année, et ce, une seule fois pour toute la durée de son traitement ». « Il est de notre devoir d’agir collectivement, face à une part significative de prescriptions constatées hors de l’AMM », résume la Cnam, « confiante dans le bon déploiement de ce dispositif ».
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