Située dans le Golfe du Morbihan, je mesure 7 km de long sur 3,5 km de large, pour une superficie totale de 310 hectares. Hors saison, mon territoire abrite 640 habitants mais l'été ma population est multipliée par dix. Et au soir du réveillon de la Saint Sylvestre, je m’apprête à perdre mon unique médecin généraliste. Je suis, je suis… l’Ile-aux-Moines.
La Dr Christine Hochard a en effet annoncé au maire et aux habitants qu’elle quitterait l'île pour retourner exercer sur le continent dans une maison de santé sise à quelques encablures de l’Île-aux-Moines. Après trois ans en solo, la généraliste de 62 ans ne cache pas son envie de retrouver l’attrait du pluripro. Elle n’oublie pas ses patients pour autant et s’affaire à trouver un remplaçant avant son départ programmé au 1er janvier. L’agence régionale de santé (ARS) Bretagne et le maire de l’île y travaillent en parallèle.
Tous sur le pont
Ce dernier expliquait dans les colonnes de la presse locale, début décembre, avoir déjà construit un appartement avec deux chambres, destiné à d’éventuels médecins remplaçants. Dans un premier temps, le nouveau praticien pourra s’y installer aux frais de la mairie et bénéficier du prêt d’une voiture. Cerise sur le gâteau, le cabinet médical appartenant à la commune, l’ensemble de l’équipement est déjà acheté. Le nouvel arrivant n’a que sa sacoche et son stéthoscope à poser…
Côté tutelle régionale, « l’ARS réfléchit à une réorganisation des astreintes qui pourraient être réparties entre, a minima, deux généralistes. L’un sur l’île, l’autre étant sur la partie du littoral continental le plus proche », insiste la Dr Hochard. « Parce que les astreintes H24, 7 jours sur 7, font partie des choses qui m’ont vraiment plombée », poursuit la généraliste.
Tout avait pourtant bien commencé. En tombant sur les vidéos de son prédécesseur de 70 ans, vantant le charme de l'île, la Dr Christine Hochard se décide, sur un coup de cœur, à le remplacer. Elle y débarque en octobre 2020, accueillie à bras ouverts… mais se retrouve à devoir fermer son cabinet à la mi-septembre 2021, suspendue parce que non vaccinée. Depuis l’été, tous les soignants sont en effet soumis à l’obligation vaccinale contre le Covid. « Je ne suis pas antivax, affirme-t-elle. Dans l’état des connaissances vis-à-vis des nouveaux vaccins, je voulais prendre le temps de la réflexion ». Cette affaire, à l'époque, avait fait grand bruit, dépassant le périmètre de la petite île. Une semaine plus tard, finalement vaccinée, la généraliste avait repris ses consultations le 23 septembre.
Noms d’oiseaux
Mais le mal est fait. « J’ai été traitée de tous les noms. Quant aux réseaux sociaux, j’ai subi un déferlement d’attaques personnelles, une descente aux enfers », se souvient la praticienne. Cet épisode ne l'empêche pas d’évoquer avec chaleur son exercice auprès des quelque 400 patients qu'elle suit régulièrement. « Sur l’île, on a le loisir de prendre le temps long de la consultation, c’est de la vraie médecine humaine. L’été, la population peut dépasser les 6 000 personnes et je montais à 23 ou 24 consultations par jour, ce qui mettait un peu de beurre dans les épinards pour la période hors saison ». Côté accès aux soins, la généraliste rappelle la présence, sur l’Île-aux-Moines, d'un Ehpad, d’une pharmacie et d’un cabinet d’infirmiers et de kinés qui jouxtent le cabinet médical.
Son expérience sur l'île laisse donc une pointe d'amertume. « Mon histoire ici a été bancale presque dès le départ », regrette la généraliste, persuadée qu’avec un aménagement des horaires ou de l'organisation de la permanence des soins, la vie sur l’île peut être vraiment heureuse pour un médecin de famille. « La plupart des gens y sont très chaleureux », insiste-t-elle, souhaitant ne pas laisser tomber brutalement ses patients. Elle a pris l’engagement, pendant les six prochains mois, de revenir consulter sur le « caillou » chaque mardi, jusqu’à ce qu’un nouveau médecin s’installe. Mais s’il pouvait ne pas trop tarder…
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