Pure coïncidence de calendrier ou coup politique du groupe LR au Sénat ?
En plein examen de la proposition de loi transpartisane du député socialiste Guillaume Garot à l’Assemblée nationale (le débat suspendu après l’adoption du premier article sur la régulation reprendra début mai), la droite sénatoriale vient de déposer son propre texte sur l’accès aux soins dans les territoires, fruit d’un an de travail du groupe LR. Ce texte sera examiné le 6 mai en commission et le 12 mai en séance publique au Sénat. « Nous ne sommes pas dans une logique d’opposition, précise Philippe Mouiller, sénateur des Deux-Sèvres et président de la commission des Affaires sociales. Notre volonté est de proposer des solutions opérationnelles assez facilement et évaluées chaque année ».
Nous ne nous opposerons pas à l’installation d’un médecin dans un territoire bien doté. Mais il aura l'obligation d'ouvrir un cabinet secondaire en zone fragile
Bruno Rojouan, sénateur LR de l’Allier et coauteur du texte
Longtemps rétifs à toute forme de coercition, les sénateurs LR assument désormais dans leur projet une dose de régulation à l’installation des médecins libéraux dans un contexte de forte tension sur l’offre de soins. En pratique, l’implantation de praticiens libéraux dans les zones dites « surdenses » serait régulée de deux façons. Pour les généralistes d’abord, il faudrait une « autorisation préalable » de l’ARS (après avis du conseil départemental de l’Ordre) conditionnée à un engagement d’exercice à temps partiel dans une zone sous-dense. « Notre position est très simple, assume Bruno Rojouan, sénateur LR de l’Allier et coauteur du texte. Nous ne nous opposerons pas à l’installation d’un médecin dans un territoire bien doté. Mais il aura l'obligation d'ouvrir un cabinet secondaire en zone fragile. »
Le texte ouvre la voie à une nomenclature à la carte en fonction des territoires
Pour les spécialistes (hors médecine générale) cette fois, la droite défend le principe d’« un départ pour une arrivée ». « L’autorisation serait conditionnée, en zone surdense, à la cessation concomitante d'activité d'un médecin de la même spécialité exerçant dans la même zone », lit-on dans la PPL. Une stratégie similaire à celle que préconise la PPL Garot (mais dans ce dernier cas pour l’ensemble des spécialités et modes d’exercice). La régulation de l’installation des spécialistes en zone surdense ne s’appliquerait pas, là encore, lorsque le médecin s’engage à exercer à temps partiel dans une zone sous-dotée ; et « à titre exceptionnel », si son installation est nécessaire pour maintenir l’accès aux soins. « On confie à l'ARS le soin d'apprécier si cette installation supplémentaire peut effectivement se mettre en place, en raison notamment d’une augmentation de la population », ajoute le sénateur de l’Allier.
La définition des besoins de santé de la population « en matière de temps médical » serait confiée aux conseils départementaux, en lien avec les ARS, les caisses primaires et les Ordres. « Cette évaluation territoriale va permettre de préciser les zones surdotées qui sont de plus en plus rares et de poser un cadre clair », explique Philippe Mouiller.
Dépassements tarifaires dans les déserts ?
La droite sénatoriale, consciente des crispations du corps médical (les jeunes ont annoncé un mouvement de grève fin avril contre la régulation), a cherché à rendre sa potion moins amère auprès de la profession en suggérant aussi de « simplifier les conditions d’exercice » dans les cabinets secondaires. Elle entend parallèlement faciliter le remplacement d’un médecin libéral qui participe aux urgences (effection, régulation) en zone sous-dense. « C’est l’Ordre qui a en partie la main pour assouplir les règles existantes », confie Bruno Rojouan au Quotidien.
Sur le plan de la rémunération, une vraie nouveauté est avancée : les praticiens exerçant dans les zones sous-dotées seraient autorisés à pratiquer des « dépassements d’honoraires dans les conditions fixées par la convention médicale ». « Il s’agirait de tarifs spécifiques prévus par la Cnam, en accord avec les syndicats, recadre Corinne Imbert, sénatrice de Charente-Maritime. Les patients seraient remboursés sur la base de ces tarifs particuliers. » Autrement dit, le texte ouvre la voie à une nomenclature à la carte en fonction des territoires.
Autre mesure avancée : expérimenter la possibilité pour les centres de santé situés dans les zones sous-dotées de recourir de façon dérogatoire à des contrats à durée déterminée. « C’est une demande de Médecins solidaires, confrontés à ce type de freins par rapport aux contrats de travail », précise Corinne Imbert. Ce collectif organise un relais hebdomadaire de généralistes salariés dans des centres de santé éphémères.
De façon plus classique, la PPL de la droite entend libérer du temps médical en suppression des certificats inutiles et en autorisant de nouveaux partages de compétences. Corinne Imbert souhaite ainsi généraliser l’expérimentation Osys (orientation dans le système de soins) qui autorise les pharmaciens d'officine à évaluer et à prendre en charge des situations cliniques simples ainsi qu’à l’orientation du patient. Elle défend aussi une revalorisation de la rémunération des infirmiers en pratique avancée (IPA).
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