« La médecine, c’est un métier qui vous tient aux tripes. » Le Dr Yves Carcaillet ne croyait pas si bien dire : retraité depuis moins d’un an, le généraliste a déjà repris du service à 74 ans dans un centre médical un peu particulier, installé au cœur d’Albi (Tarn). Inauguré le 14 juin, cet établissement a la particularité de tourner avec des médecins retraités et uniquement des médecins retraités.
Chaque jour, de 8 h 30 à 12 h 30 et de 14 heures à 17 h 30, des confrères, comme lui à la retraite, assurent des vacations d’une demi-journée ou d’une journée entière par semaine pour soigner les patients sans médecin traitant ou dont le praticien habituel n’est pas en mesure de les recevoir.
Que des retraités viennent en renfort dans les zones sous-médicalisées n’est pas nouveau, mais l’organisation du centre est ici adaptée à leurs aspirations. « On est tous d’anciens libéraux et on voulait garder une certaine autonomie et la maîtrise de notre temps tout en étant salariés, raconte le Dr Carcaillet. On établit nous-mêmes le planning, chacun choisit ses horaires, la seule contrainte est d’assurer la prise en charge des patients pendant les horaires d’ouverture. » Les volontaires sont rémunérés par l’Association des médecins retraités albigeois (Amra), dont le Dr Carcaillet est président.
2G de l'heure
Depuis l’ouverture du centre, le 5 juin dernier, 9 généralistes se succèdent dans les deux cabinets de l’établissement. Ils seront entre 12 et 15 en septembre, assure le médecin albigeois qui dit n’avoir pas eu de difficulté à recruter, grâce au coup de pouce de l’Ordre. À chaque fois qu’un confrère annonce son départ en retraite, le conseil départemental du Tarn lui signale l’initiative de l’Amra. Libre à lui de contacter l’association.
Les vacataires sont payés selon un tarif indexé sur celui de la consultation : 2G de l’heure, soit 50 euros net. « L’argent n’a pas été un sujet de discussion au moment de lancer le projet, précise le Dr Carcaillet. Bien sûr, on ne ferait pas ça pour rien, mais la principale motivation, c’est d’abord de rendre service à la population. » Le généraliste voit aussi d’un bon œil le fait de garder une petite activité après la retraite. « C’est dur d’arrêter ce métier du jour au lendemain, reconnaît-il. On a aussi beaucoup de mal à accepter d’abandonner notre patientèle quand on n’a personne pour reprendre le cabinet. »
Soutien financier
L’idée de ce centre a germé au mois de juillet 2022, « au cours d’une discussion avec Mme la maire d’Albi [Stéphanie Guiraud-Chaumeil, NDLR] », se souvient le généraliste. La mairie, la Cpam, l’ARS Occitanie et le CDOM du Tarn se sont mis autour d’une table pour mettre au point ce projet, « complexe d’un point de vue administratif et juridique », et qui doit être à l’équilibre financier dans les deux ans. En cas de déficit, l’ARS puisera dans des fonds dédiés pour le combler. L’hôpital d’Albi joue également un rôle important, notamment en prenant en charge les salaires des trois secrétaires médicales employées à mi-temps. La mairie d’Albi met à disposition les locaux du centre à titre gracieux.
« Je n’ai pas trop d’inquiétude sur le fait qu’on arrivera à l’équilibre, pronostique le Dr Carcaillet. Je crains plutôt le contraire, qu’on n’arrive pas à satisfaire la demande. » Depuis l’ouverture, le centre tourne à près de 25 consultations par jour. Mais le généraliste anticipe une montée en charge pour atteindre rapidement 50 à 60 patients par jour pour les deux médecins présents quotidiennement. « Certains cabinets commencent déjà à nous envoyer des patients quand ils ne peuvent pas les prendre », témoigne le généraliste.
Ce centre pourrait-il servir de modèle ? « Je ne suis pas là pour donner des leçons. Mais si notre travail peut servir à d’autres, pourquoi pas, répond le Dr Carcaillet. Je serais ravi de partager notre expérience avec les confrères. » Avis aux amateurs.
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