À nouvelle année, nouveaux projets. Mais en ce tout début 2024, le Dr Michel Chevalier, 36 ans d’exercice au compteur dans la commune de Ousse (Pyrénées-Atlantiques) goûte pour l’instant à des joies toutes simples. Comme le fait de ne plus être tout le temps le nez dans le guidon. En effet, le généraliste de « 63 ans et demi » a fermé son cabinet où il exerçait en solo le 31 décembre. Il vient de prendre sa retraite. Un peu plus tôt qu’il ne l’escomptait. Tout cela « grâce » à sa caisse primaire.
Imbroglio épistolaire
« J’ai reçu un courrier en recommandé fin juin, m’avertissant d’éventuelles poursuites pour des prescriptions d’arrêts de travail trop importantes et m’indiquant que je risquais d’être mis sous objectifs »[MSO, NDLR], se souvient le Dr Chevalier. Le généraliste, qui ne s’explique pas ces reproches, répond illico à la missive en demandant sa mise à la retraite par courrier. Il le dépose directement dans la boîte aux lettres de sa caisse primaire. Renseignements pris, il apprend qu’il aurait dû le faire aussi par recommandé. Le Dr Chevalier appelle alors la caisse. Une employée lui conseille d’attendre de recevoir la convocation qui ne manquera pas d’arriver dans un deuxième recommandé. Il pourra alors s’expliquer devant la commission ad hoc. Mais qui ne sera donc plus une commission de conciliation…
« J’ai reçu un courrier le 7 août m’informant de ma mise sous objectif. Je disposais de 14 jours pour répondre. Pas top, soit dit en passant si des gens veulent prendre des vacances d’été », souligne le Dr Chevalier. Mais, vigilant, il a guetté le facteur. « J’ai renvoyé un courrier avec accusé de réception leur disant que je refusais la MSO. Je leur ai aussi rappelé que je faisais partie des 2 % de médecins qui, à l’époque, n’avaient pas souscrit à la ROSP et que je ne comprenais pas pourquoi on me mettait sous objectif alors que je n’avais pas de prime pour les objectifs ». Finalement auditionné le 7 novembre, le Dr Chevalier bat le rappel de ses soutiens : confrères, syndicats, patients… En tout, plus de 80 personnes font le déplacement jusqu’à Pau pour l’épauler dans cette épreuve, comme l’avait alors relaté Le Quotidien.
Techniques d’intimidation
« Ces soutiens m’ont fait chaud au cœur » se souvient le jeune retraité. Qu’il appréciera d’autant plus, compte-tenu de la tournure de son audition devant la « commission consultative ». « Pour moi, ça a été l’incompréhension la plus totale. Je suis rentré dans une salle au sous-sol. On m’a installé sur un siège qui avait à peine la hauteur d’un pouf. J’avais les yeux au niveau de la table. Le jury était sur une estrade. Avec ces techniques d’intimidation, j’avais le sentiment d’être dans un état totalitaire », témoigne, avec émotion, le Dr Chevalier.
Pour autant, le médecin ne se laisse pas démonter et lâche à ses auditeurs : « la seule chose que j’ai à vous dire, c’est qu’à force d’obéir aux directives, vous avez perdu la raison. Maintenant, c’est le personnel administratif, au vu de statistiques, qui va décider si nos arrêts sont justifiés ou pas. C’est grave ».
Aujourd’hui, ils sont environ un millier de patients à Ousse et dans ses environs à déplorer le départ de leur généraliste. « Sans cette attitude de la caisse, j’aurai peut-être tenu encore un ou deux ans. Mais là, ça a été la goutte d’eau pour moi. Même avec une petite retraite de 2 000 euros, comme je n’ai pas toutes mes annuités, je ne regrette pas du tout ma décision », conclut le Dr Michel Chevalier. Sans états d'âme.
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