« Quand leur généraliste prend sa retraite, les patients ne perdent pas seulement un médecin, mais aussi un ami ». Un confident qui connaît leur vie dans certains de ses aspects les plus intimes, diagnostiquent les auteurs de l’étude dirigée par le département de médecine générale de la faculté de santé de Sorbonne Université publiée ce mois de juillet dans la revue BMJ open.
Et chez certains d’entre eux, tant le lien bâti au fil du temps est devenu fort, cette rupture dans la relation peut aller jusqu’à déclencher un processus de deuil. D’où l’importance fondamentale de les y préparer en amont. L’enquête s’appuie sur une analyse phénoménologique interprétative des propos de dix-huit patients des cabinets de deux médecins généralistes situés dans l’Essonne dont ils sont médecins traitants. Ces deux praticiens étaient à l’aube de prendre leur retraite. Quant à la patientèle qui a accepté de participer à l’enquête, sa fourchette d’âge se situe entre 21 et 94 ans.
Longue histoire médicale
Sans véritable surprise, les patients les plus touchés par le départ à la retraite de leur médecin généraliste partagent plusieurs caractéristiques : une longue histoire médicale, des maladies chroniques, un âge avancé et une relation de soins de longue date. Une relation qui souvent touche plusieurs générations au sein d’une même famille. « Dr A. connaît mes parents très bien, il suit aussi ma fille (…) c’est quelqu’un d’exceptionnel, je lui suis vraiment très reconnaissant », confie ce patient suivi pendant 36 ans. « C’est comme perdre un membre de la famille », abonde cet autre fidèle du cabinet, suivi depuis 35 ans. À l’inverse, les plus jeunes sans maladies chroniques et qui ne consultent que très occasionnellement, ont été moins touchés par le départ à la retraite de leur médecin généraliste.
Une annonce à faire en face-à-face
Reste qu’à l’arrivée, si la preuve n’est plus à faire que la relation de confiance entre un malade et son médecin est unique, elle entraîne en corollaire, au regard de l’étude, un degré d’attention tout particulier de la part du praticien au moment de l’annonce de son départ.
La plupart des patients « se souviennent de ce moment en détail (…) ainsi, la façon dont il sera présenté aura un impact sur (leur) ressenti », relève l’étude. Dont les conclusions sont formelles. Ceux-ci souhaitent être informés en face-à-face par leur médecin généraliste lors d’une consultation. Les méthodes impersonnelles telles qu’une affiche dans le cabinet sont impopulaires car elles sont considérées comme soudaines. Voire brutales.
« Je préfère l’apprendre de cette façon, plutôt que par une lettre ou simplement par un appel téléphonique de la secrétaire disant “Écoutez, non, le Dr A ne pourra plus vous voir parce qu’il s’en va” », témoigne ce fidèle, suivi pendant 18 ans.
Inquiets mais heureux pour leur généraliste
À noter que pour certains membres de la patientèle, plus que l’annonce du départ, c’est la remise de leur dossier médical qui consacrait véritablement la fin de la relation. Sans pour autant en vouloir à leur médecin qui prenait une retraite bien méritée. Ainsi, plusieurs des répondants « semblaient heureux pour leur médecin généraliste et reconnaissants du travail accompli ». En revanche, il semble que ce soit l’absence de remplaçants qui cristallise critiques et inquiétudes.
Les patients comprennent que leur médecin généraliste doit prendre sa retraite, mais n’acceptent pas la fermeture du cabinet et l’absence d’un remplaçant ou d’un successeur, constatent les auteurs de l’étude. « Ceci est perçu comme une fin, et conduit à une rupture de continuité », analysent-ils. Ces derniers auraient préféré la désignation d’un successeur, combinée à une période de transition, voire une alternance de travail entre le médecin généraliste et son successeur. Mais encore faut-il pouvoir en trouver un…
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins
Désert médical : une commune de l’Orne passe une annonce sur Leboncoin pour trouver un généraliste
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre