Je viens de découvrir votre dossier sur la rémunération des médecins (Le Généraliste n° 2756, p. 10). Ma conclusion est qu'on n’est pas près de sortir de cette question pour le malheur des médecins et le bonheur des payeurs. On a l'impression de discuter du sexe des anges en permanence, de complexifier progressivement les rémunérations pour les trouver ensuite trop complexes et en tirer comme conclusion que le problème est trop complexe pour le résoudre simplement, donc qu'il faut le complexifier encore plus ! Magie de la dialectique qui ne comprend rien à ce qu'elle produit.
Je vais donner deux exemples de ma pratique professionnelle ; c'était au temps où les médecins travaillaient encore chez eux et que les patients pouvaient venir les déranger un samedi après-midi. Donc, un samedi après-midi, une famille de gitans de passage dans le coin vient non pas en consultation, mais à titre amical, pour me présenter leur dernier-né qui avait neuf mois. Aujourd'hui, ils ne seraient pas venus, ils m'auraient envoyé un SMS et encore, ce n’est pas sûr… Je les reçois donc sur le pas de la porte du domicile, je les félicite, mais je remarque une tache blanche à travers la cornée, tache qu'ils n'avaient pas remarquée, ce qui est sans doute vrai quand on connaît les gitans face aux problèmes de santé. Je ne savais pas ce que c'était, je les ai convaincus de consulter dès le lundi un ophtalmologiste, ce qu'ils ont fait. Il avait un rétinoblastome qui a nécessité une énucléation et une chimiothérapie pour l'autre œil qui présentait une lésion débutante. Je n'ai pas touché un seul centime.
Le deuxième cas est plus banal ; une femme attend dans la salle d'attente. Quand vient son tour, elle n'est plus là. Quelque temps plus tard, elle revient, je lui demande pourquoi elle était repartie : « eh bien, quand je vous ai vu, j'ai pensé à ce que vous alliez me dire, alors toutes mes douleurs sont parties, du coup, je ne voulais pas vous faire perdre de temps, je suis repartie » ; je n'ai pas touché un seul centime.
Un boulanger se lève tôt, travaille beaucoup pour gagner pas beaucoup sur la vente d'une baguette. Un marchand de voitures dont le principal travail est d'attendre le client, est de gagner beaucoup sur la seule voiture qu'il va vendre dans la semaine. Le médecin est dans le cas de figure du boulanger, sauf que nous vendons souvent des voitures de luxe, sans faire de différence.
Que vaut financièrement le conseil que j'ai donné au gitan ? Que vaut financièrement mon absence d'action « non fictive » dans le deuxième exemple ? Comment être rémunéré à sa juste valeur pour ce que l'on fait ?
Il est bien évident que l'on ne peut pas donner une consultation, attendre le diagnostic et le résultat du traitement pour envoyer sa facture. De nos jours, la plupart du temps, hors tiers payant, il serait impossible de se faire payer et, en cas de tiers payant, il y a fort à parier que la plupart du temps, on se ferait très largement rouler dans la farine du boulanger par la Sécu.
Alors, foutage de gueule que le paiement à la durée de la consultation, à l'âge du consultant ; cela est vrai uniquement pour les actes techniques dont on sait à l'avance évaluer la valeur ; foutage de gueule que le paiement au forfait pour gestion des problèmes de santé publique, de gestion du dossier du patient en ALD ou non, de la gestion administrative ou autre inclus dans les ROSP.
Il est seulement de la responsabilité politique de dire quelle est la valeur marchande réelle d'un médecin. De cette seule valeur découle l'adhésion des médecins et, consécutivement, leur mise en application des résultats de négociations conventionnelles qui seraient, assurément, beaucoup moins tortueuses.
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