Le serpent se mordrait-il la queue ? À la suite du courrier du Dr Cabrera publié dans Le Généraliste, qui évoquait sa difficulté à trouver un médecin généraliste acceptant d'effectuer des visites dans les Yvelines chez sa mère de 94 ans récemment opérée du cœur, le Dr Francis Pillant, bientôt 66 ans, revient sur le jour où la CPAM de l'Aveyron lui a demandé de considérablement ralentir son activité... et d'arrêter les visites.
« J’avais une activité, consultations et visites confondues, quatre fois supérieure à la moyenne de l’Occitanie », se souvient le Dr Pillant, qui exerce en cumul emploi-retraite à Saint-Affrique (Aveyron). Selon ses dires, l’omnipraticien assurait la bagatelle de 12 000 actes par an. « Si on ne prend que les visites, j’en faisais deux fois plus que la moyenne locale », précise-t-il. Pour tenir un tel rythme, le praticien ne prenait que trois semaines de vacances chaque année. « J’étais très bête, à l’époque », s’amuse-t-il.
Trop d’actes
Il y a cinq ans, la CPAM le convoque pour lui demander de lever le pied. « Ils ont considéré que ça faisait beaucoup trop d’actes et m’ont dit : "ça ne peut pas continuer comme ça, vous vous mettez sur rendez-vous et vous essayez de ne plus faire de visites" », se remémore le Dr Pillant. « Indirectement, ils m’ont menacé. Ils m’ont fait comprendre que si je continuais, ils ne rembourseraient plus mes visites. »
Depuis, le généraliste assure avoir « fortement ralenti ». « Je ne fais plus que cinq visites par mois et je suis descendu à 700 actes mensuels », détaille-t-il. Et même si le praticien estime ne pas rentrer dans le « moule de ce qu’on demande aux jeunes médecins maintenant », la CPAM aveyronnaise ne l’a jamais recontacté à ce sujet.
« Empathie et humanité »
Le Dr Pillant dit « comprendre un peu » ses jeunes confrères, moins investis dans la visite, notamment dans un contexte local parfois compliqué où le stationnement gratuit des médecins tend à disparaître. Il estime que la visite devrait être davantage rémunérée, à hauteur de 70 euros pour se rendre chez les personnes âgées dépendantes, comme le propose le SML. « Avec une partie exonérée fiscalement » précise-t-il. « Sinon les jeunes ne seront pas d’accord. Beaucoup d’entre eux souhaitent ne pas payer trop de cotisations sociales », estime le Dr Pillant.
Le généraliste rappelle cependant à ses jeunes confrères que le métier de généraliste « c’est de l’empathie et l’humanité par rapport aux gens qui ne peuvent réellement pas se déplacer ». « À partir du moment où depuis quelques années on ne doit plus faire que des visites justifiées, si elles le sont il faut effectivement les faire. »
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