Qui connaît les sommes qu’il a touchées au titre de la majoration pour personne âgée (MPA) ? A priori pas grand monde puisqu’à la différence des autres majorations, son versement est réputé automatique. Sauf qu’aux dires des plus sourcilleux, il semblerait que celui-ci connaisse de sérieuses inexactitudes... Des difficultés qui ne sont pas sans rapport avec le tiers payant, cette majoration étant payée directement par l’Assurance maladie aux praticiens. Il n’en fallait pas plus au Dr Bertrand Legrand, médecin généraliste installé à Tourcoing, pour se saisir du sujet. Cet adhérent CSMF à déjà fait parler de lui récemment, puiqu’il est à l’origine de l’Observatoire du Tiers payant et à fait paraitre au début de l’année un palmarès des pires délais de paiement dans les Cpam. Une initiative qui lui a valu récemment la visite de Nicolas Sarkozy à son cabinet.
Cette fois, le bouillant médecin de famille du Nord s’est donc penché sur le volet « MPA » des relevés mensuels de paiements d’une dizaine de ses confrères, à leur demande. « Sur le premier relevé, j’ai constaté de grosses imprécisions », raconte le généraliste de Tourcoing, « au début, je pensais que c’était un cas isolé ». Mais quelle ne fut pas sa surprise de constater que ces inexactitudes se retrouvent d’un relevé à l’autre, chez ces dix praticiens.
Inexactitudes ou fraude massive ? Pas de précaution sémantique pour Bertrand Legrand qui n’hésite pas à affirmer que « la fraude est énorme », affirmant, à propos des données dont il dispose, que « ça ne correspond pas du tout » aux sommes dues au titre de la MPA. Initiée à compter du 1er juillet 2013 pour les personnes âgées de plus de 85 ans et étendue, un an plus tard, aux patients de plus de 80 ans, cette majoration de 5 euros est normalement versée trimestriellement aux médecins. Et ce toujours directement par l’Assurance maladie, que les octogénaires règlent leur consultation directement ou qu’ils bénéficient d’une dispense d’avance de frais.
D’après Bertrand Legrand, ce dernier cas correspond à 35 % des actes éligibles à la MPA. Et sur son échantillon limité mais suffisant il constate « un MPA théorique (portant uniquement sur les actes en tiers payant) variant de 20 à 30 % supérieurs au MPA versé », selon ses premiers. Ce qui le laisse imaginer, à l’échelle de toute la population concernée, un nombre colossal de forfaits impayés. Pour en faire la démonstration, il appelle de nouveau les généralistes à venir déposer leurs relevés de paiement sur son Observatoire du tiers payant, désormais dotée d’un module pour analyser le versement de la MPA pour les patients en tiers payant. En pratique, en déposant ses relevés de paiement mensuels issu d’AMELI sur la plateforme, le généraliste aura accès à un résumé des forfaits versés comparé au cumul par trimestre des forfaits calculés à partir de ses relevés de paiement.
Au-delà d’un aspect financier propre à la MPA, cette initiative de Bertrand Legrand est une nouvelle occasion, pour lui, de dénoncer le tiers payant. « C’est la démonstration de la CNAM qu’elle paie mal le forfait le plus simple à payer », martèle le généraliste de Tourcoing. Luc Duquesnel, chef de file de l’Unof, abonde en ce sens, « cette étude montre qu’une immense majorité des généralistes n’est pas rémunérée de certains actes en tiers payant ». Et cela met également en lumière la complexité, pour les praticiens, de calculer les sommes dues par l’Assurance maladie. « Ca confirme les difficultés, voire l’impossibilité pour les médecins de vérifier ce qui leur est versé en tiers payant », souligne Luc Duquesnel.
Sans attendre de voir ses conclusions liminaires soumises à l’épreuve de nouveaux relevés de paiement, Bertrand Legrand va se rendre pour son syndicat à l’une des réunions techniques sur le tiers payant. « On va lister tous les problèmes », détaille-t-il. Et de noter qu’à l’Assurance Maladie, « ils pensent qu’il n’y a que quelques petits problèmes. Or tous les forfaits sont problématiques au niveau informatique. » Mais déjà, sans plus attendre, il propose à chaque généraliste un formulaire lui permettant en direct d’écrire à son directeur de CPAM pour pointer les erreurs constatés sur la MPA, avec un double pour alerter son député !
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