Mis en place par l’avenant 7 à la convention nationale des infirmiers fin 2019, en libéral, le dispositif d’infirmiers en pratique avancée (IPA) a du mal décoller. Souvent pointé du doigt, le mode de rémunération des IPA libéraux (IPAL) notamment freinerait leur déploiement.
149 IPA libéraux
D’après les derniers chiffres présentés par l’Assurance maladie lors de la commission paritaire nationale (CPN) du 15 juin, à fin décembre 2021, 149 IPA exerçaient en libéral, dont 112 n’ayant pas arrêté leur activité au-delà de six mois. 43 IPA exclusifs ont par ailleurs bénéficié d’aides à l’installation.
Côté activité, les IPAL ont suivi en moyenne 114 patients (médiane à 37 patients). Entre avril 2020 et avril 2022, l’ensemble des IPAL ont réalisé 40 017 actes pour 17 079 patients différents. Cela correspond à un nombre moyen d’actes de 268, « avec de fortes disparités en fonction de la date de démarrage notamment », précise l’Assurance maladie.
Pour évaluer d’un point de vue qualitatif l’apport des IPA, l’Assurance maladie a mené avec BVA une étude pour avoir le retour des patients. Des entretiens ont été menés avec des patients d’IPA travaillant avec des généralistes et d’autres avec des spécialités différentes*.
Les patients interrogés étaient suivis par quatre IPA, un travaillant avec un généraliste exerçant seul, et trois avec des praticiens en maisons de santé. Il s’agissait de patients polypathologiques, orientés vers les IPA pour le suivi de leur diabète.
« Il m’a dit qu’elle le remplaçait et qu’elle faisait à sa place. Pour toutes les consultations de renouvellement d’ordonnance, de diabète, elle le faisait à sa place. Lui, ça lui faisait gagner du temps », témoigne une patiente sur la façon dont lui a été expliquée cette orientation.
« Elle m’a dit qu’elle était infirmière et qu’elle était en relation constante avec le Dr X donc s’il y avait quelque chose qu’elle aurait détecté, elle ne s’en occuperait pas et elle préviendrait le Dr X. Si elle me trouvait une pathologie c’est au Dr de s’en occuper. J’ai compris qu’elle n’était pas là pour me soigner », relate un autre patient.
Délai de rendez-vous raccourci et disponibilité
Le premier rendez-vous qui dure 1 heure permet la rencontre avec l’IPA et une analyse approfondie de la situation du patient. Les suivants, de 30 à 45 minutes, sont des rendez-vous de suivi dont la fréquence est laissée à l’appréciation du patient et qui « dans les faits se calquent sur le renouvellement d’ordonnances tous les trois mois, ou plus souvent pour les patients les plus fragiles », précise l’Assurance maladie.
Pour les patients interrogés, les points positifs remontés sont notamment le délai de prise de rendez-vous raccourci. De 2 à 5 jours pour l’IPA contre 15 jours pour les généralistes voire 3 semaines en zone déficitaire. Les patients soulignent aussi être rassurés par une analyse approfondie de leur état de santé et la satisfaction d’être écouté et de se voir consacrer du temps. L’IPA est également perçu comme accessible, que ce soit au niveau du statut ou de la capacité à le joindre, et compétent pour détecter les problèmes.
« Pour une pathologie comme la mienne, le diabète, elle est parfaite, si un jour ça se déstabilise et qu’il y a un petit souci supplémentaire, elle fera appel au docteur », témoigne un patient.
« J’avais des palpitations, et alors l’IPA il me dit il faudrait faire un électro, et il a appelé le médecin et le médecin lui a dit "vous avez raison, elle aurait besoin qu’on lui fasse un électrocardiogramme" et c’est lui qui m’a fait l’ordonnance et la lettre pour le cardiologue, l’IPA », relate une autre.
Des missions bien positionnées
Même si peu de patients avaient connaissance du dispositif, ils se disent conscients du manque de médecins et de la nécessité de les décharger.
« C’est pour aider les médecins dans leur travail, parce qu’ils sont débordés quand on parle à un médecin il a 50 consultations par jour donc effectivement y’a une partie des consultations où y’a pas besoin d’un médecin une infirmière IPA suffit. Quand c’est pour un renouvellement de médocs ou prendre la tension éventuellement de faire un électrocardiogramme comme j’ai dû le faire bah c’est génial », juge ainsi un patient.
« Il m’est arrivé de me dire en prenant un rendez-vous Doctolib, et bah cette fois-ci je vais prendre rendez-vous avec l’IPA parce que je ne vais pas ennuyer le docteur qui a suffisamment de boulot comme ça, je vais faire l’IPA car c’est pour mon renouvellement », raconte un deuxième.
En conclusion de cette enquête, pour les IPA de MG, leurs missions semblent bien positionnées en l’état actuel sur le suivi des pathologies chroniques.
Les patients interrogés posent une limite claire aux missions de l’IPA, le traitement des pathologies jugées « lourdes » qui engagent le pronostic vital du patient comme le cancer.
« Le champ d’action est jugé déjà vaste, y rajouter des missions enlèverait à l’IPA son atout principal : le temps qu’ils peuvent consacrer aux patients », conclut l’Assurance maladie.
*8 entretiens individuels d’1h réalisés entre le 21 février et le 4 mars 2022, dont 6 patients de 4 IPA travaillant avec un MG.
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