Dr Hélène Azoury, médecin-conseil : avec la réforme du service médical, « on craint d’avoir moins d’autonomie »

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Publié le 16/10/2024
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Le projet de réorganisation du service médical de la Cnam – qui serait intégré dans les caisses primaires – est contesté par plusieurs fédérations syndicales (FO, CGT et CGC). La Dr Hélène Azoury, déléguée syndicale centrale du SNFOCOS*, pointe les risques de perte d’indépendance des praticiens-conseil. Avec des conséquences directes sur les médecins de terrain…

Dr Hélène Azoury

Dr Hélène Azoury
Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : Votre syndicat est vent debout contre le projet de transformation du service médical. Pourquoi ?

Dr HÉLÈNE AZOURY : Le projet prévoit la suppression des 16 directions régionales du service médical et de la centaine d’échelons locaux dépendant de la Cnam. Demain, ce réseau autonome et indépendant qui existe depuis 1967 après les ordonnances Jeanneney sur la Sécurité sociale va disparaître. Les 7 200 salariés des services médicaux, dont 1 500 médecins-conseils, seront intégrés aux services des caisses primaires d’assurance-maladie.

Or, à partir du moment où nos contrats de travail sont transférés et signés par le directeur de la caisse primaire de l’assurance-maladie – qui est un administratif –, le lien de subordination existe ! C’est déjà une atteinte à l’indépendance des médecins, alors qu’actuellement nous sommes rattachés directement à la Cnam et nous avons une hiérarchie médicale. Nous craignons clairement d’avoir moins de libertés et d’autonomie. Les caisses primaires ont des objectifs quantitatifs et donc, forcément, les médecins qui y travaillent vont être soumis à un certain nombre d’injonctions pour atteindre ces quotas.

“Sur les arrêts maladie, on peut imaginer des pressions”

Par exemple ?

Sur les arrêts maladie, on peut imaginer des pressions pour avoir des pourcentages plus élevés de fermeture de droits. Je ne fais pas de procès aux directeurs des caisses primaires mais, à partir du moment où ils sont soumis à des objectifs financiers importants, ils pourraient répercuter sur leurs équipes – administratives ou médicales – une certaine pression pour atteindre ces résultats. Aujourd’hui, c’est l’accompagnement des assurés et des professionnels dans la qualité des soins qui nous motive. Nos préoccupations sont médicales et non financières et comptables.

Votre relation avec les médecins de terrain va-t-elle être impactée ?

Dans les départements où on exigera des contrôles importants, il pourrait y avoir davantage de tensions avec les libéraux. Ce serait dommageable car aujourd’hui, nous avons une relation de plus en plus proche avec les médecins de terrain, dont les généralistes, avec lesquels nous échangeons sur les patients pour avoir une approche commune. Ce travail d’accompagnement des professionnels de santé risque d’être mis à mal avec cette réorganisation.

La vision nationale et régionale nous garantissait une équité des droits des patients et des professionnels, avec une mutualisation des ressources médicales au sein de la direction régionale du service médical, qui n’existera plus. Je crains surtout une rupture d’équité de traitement dans les analyses d'activité des médecins selon les départements. Dans ceux où il y a des ressources médicales, les contrôles risquent d être plus nombreux ! Et là où les effectifs sont insuffisants, les contrôles sur les pratiques potentiellement dangereuses seront plus difficiles…

Vous alertez aussi sur le secret médical...

Oui. Aujourd’hui, le secret médical est garanti par les médecins-chefs des échelons locaux. L’ensemble des techniciens du service de contrôle médical, qui sont sous notre autorité hiérarchique, doivent respecter cette obligation. Dans le projet, il est indiqué que les missions seront exercées dans une approche médico-administrative par délégation du directeur médical des caisses primaires. Cette phrase interpelle. Qu’est-ce que cela veut dire ? Qui va garantir le secret médical ? Va-t-on l’ouvrir aux 80 000 salariés des caisses primaires ? Dans le projet transmis, il n’y a pas de garantie suffisante.

Le projet de réforme prévoit un comité technique pour garantir la bonne application des règles qui entourent le secret médical et l’indépendance des praticiens-conseil. Ce n’est pas suffisant ?

À chaque coup de pression, on va donc saisir ce comité pour se défendre au cas par cas ? Non, il faut être sérieux. Ce que nous souhaitons, c’est un réseau médical autonome et indépendant. Or, dans le projet de transformation du service médical, il n’y a rien de tel à ce jour. Aujourd’hui, ce projet n’est pas encore adopté. Le vote prévu le 7 novembre pourrait être reporté car nous attendons les conclusions d’une expertise demandée sur la restructuration du service médical.

* Syndicat national Force ouvrière des cadres des organismes sociaux

Propos recueillis par Loan Tranthimy

Source : lequotidiendumedecin.fr