Deux ans après l’arrivée de Marisol Touraine au ministère de la Santé, voilà une polémique qui pourrait lui gâcher cet anniversaire... La dernière version du projet de décret révisant le contenu des contrats dits "responsables et solidaires" des complémentaires fait en effet bondir les syndicats de spécialistes libéraux. Il s’agit de savoir ce que les complémentaires rembourseront demain des dépassements du secteur 2 et notamment quelle différence sera faite entre ceux qui ont adhéré au contrat d’accès aux soins (CAS) et les autres qui ont refusé d’adhérer à cette option à dépassements maîtrisés.
Dans le cadre des contrats "responsables" (pour lesquels les mutuelles bénéficient d'une fiscalité allégée), le projet de décret prévoit ainsi qu'elles ne prennent en charge que les dépassements inférieurs à 100% du tarif Sécu (125% dans un premier temps, en 2015 et 2016) en secteur 2, mais cette limite en s’appliquerait pas pour les signataires du Contrat d’accès aux soins. Le problème est que le texte actuel se contente de permettre aux complémentaires de prendre en charge les dépassements des médecins adhérant au CAS, mais sans les obliger à les inclure dans leurs "contrats responsables". Autrement dit, en l’état actuel du texte, dans le cadre des "contrats responsables", la prise en charge intégrale des dépassements ne serait pas automatique.
CSMF et SML montent au créneau contre le projet de décret
A la CSMF, cheville ouvrière de l’avenant n° 8 d’octobre 2012 qui a instauré le CAS, les spécialistes crient à la trahison. L’UMESPE estime que le gouvernement "ne va pas au bout de son engagement" et exige qu’il "revoie sa copie de toute urgence afin de respecter sa parole au regard des médecins signataires du CAS qui s’interrogent –à juste titre- sur la poursuite de leur engagement contractuel." Il faut, martèle la branche spécialistes de la CSMF que "les complémentaires santé soient clairement incitées, par le biais des contrats responsables, à solvabiliser les compléments d’honoraires maîtrisés dans ce cadre".
Même analyse chez AOC-CSMF qui regroupe les médecins de cliniques exerçant en plateau technique lourd : "’il est inacceptable d’offrir cet avantage fiscal sans contraindre les assurances complémentaires à honorer leur signature de l’avenant 8. Si un tel texte était promulgué, il signifierait la fin de la volonté du gouvernement de favoriser l’accès aux soins de nos patients par une maîtrise responsable des compléments d’honoraires et par une bonne couverture complémentaire. La parole gouvernementale et la signature de l’UNOCAM seraient totalement décrédibilisées par une telle reculade, " souligne Michel Lévy, président d’AOC-CSMF.
Du côté du SML, on analyse le projet de décret sur les "contrats responsables" de façon encore plus négative. A lire le communiqué du syndicat de Roger Rua, il ne s’agirait de rien moins que de chercher à "interdire aux Complémentaires toutes possibilités de prise en charge des compléments d’honoraires en dehors du CAS." Et le communiqué du SML d’argumenter : "Sous prétexte de limiter le reste à charge des patients et de leur permettre d’être mieux remboursés le gouvernement a donc souhaité annihiler toutes velléités libérales." Au SML, qui a pris depuis longtemps ses distances avec le CAS, on estime que cet épisode conforte les analyses de ces derniers mois : "le SML réaffirme donc haut et fort que non seulement les CAS ne résolvent pas la paupérisation des confrères du secteur 1, mais qu’ils sont surtout les fossoyeurs du secteur 2."
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