Certains en parlent, d’autres y pensent le matin, devant leur glace… Petit à petit, le déconventionnement fait son grand retour dans les esprits. Plus de dix ans après l’émergence de la Coordination nationale, ça et là se forment à nouveau des groupes de praticiens tentés par une sortie du cadre conventionnel.
« Des cellules de désobéissance commencent à se mettre en place en Saône-et-Loire, dans les Hautes-Pyrénées », croit savoir Jean-Paul Hamon. Très actif en 2002 au sein de la « Conat » qui plaidait pour un déconventionnement à défaut d’être entendu par le ministère de l’époque, le président de la FMF ne manque pas de souligner qu’aujourd’hui ça bouge également du côté de la Bretagne, de la Basse-Normandie et du Nord. Localement, « les médecins ont fait des chartes de désobéissance rassemblant entre 70 et 80 praticiens qui n’appliqueront pas la loi », décrypte-il. Lui-même organisera, très prochainement, une réunion d’information sur le déconventionnement alors même que le projet de loi n’a franchi qu’une étape de la procédure législative. Il doit, en effet, encore passer devant les sénateurs avant de revenir au Palais-Bourbon, ce qui « laisse du temps pour s’organiser », souligne malicieusement Jean-Paul Hamon. Mais, sans relâche, « il faut montrer au gouvernement que les médecins en ont marre d’être maltraités, il faut arrêter les frais, plaide le responsable syndical, les médecins ne sont pas décidés à baisser les bras ni à se laisser faire comme ça ».
De fait, sur le terrain, certains mobilisent : « On prépare une organisation alternative », explique le Dr Nikan Mohtadi pour qui l’heure n’est pas à « un déconventionnement pur » mais à la coordination, « en attendant de voir comment, en pratique, ça va se passer demain ». Installé à Quimper, ce généraliste explique que « l’idée est de monter des associations locales pour organiser l’offre de soins et défendre les territoires de santé ». Le but étant, précise-t-il, d’«?avoir 90 % des médecins d’un territoire au sein de chaque association locale ».
Au-delà de la défense de l’indépendance des professionnels, du libre choix des patients et du secret médical, ces associations ont pour mission de « lutter contre tout ce qui pourrait y porter atteinte comme le tiers-payant ou un pouvoir trop accru des ARS », détaille ce Breton très engagé sur le sujet. « Ca pourra aller jusqu’au déconventionnement », précise-t-il, notant qu’il ne s’agit toutefois « ni d’un désir, ni d’un objectif ». Toujours très remonté contre le texte de la ministre de la Santé, cet ancien de la FMF espère que ces associations locales pourront désormais peser sur la rédaction des décrets d’application. « On fera le nécessaire pour que la loi fonctionne selon nos modalités », soutient-il, et si « on vient nous chercher des noises (pour des mesures qu’on n’appliquerait pas), il y aura toujours la menace du déconventionnement ».
« L’ensemble de la profession se sent agressée »
Menace brandie sur le terrain, la sortie de la convention n’emporte pas l’adhésion des syndicats. « Le mot d’ordre vient du terrain, face au passage en force de Touraine », rappelle Éric Henry pour qui « l’ensemble de la profession se sent agressée ». « Pour l’instant, les médecins crient très fort qu’il leur reste leur arme absolue », ajoute-t-il sans se risquer à dire si « le mouvement ira jusqu’au déconventionnement effectif ». Aux yeux du chef de file du SML, l’idée de sortir du cadre conventionnel « fait son chemin sans que les syndicats puissent infléchir le mouvement ». Plus encore, elle signifie aux organisations leur incapacité « à imposer une vision et un fonctionnement libéral ». Mais, loin de déposer les armes, Éric Henry enjoint les médecins à « se réveiller et continuer le combat aux côtés des syndicats ».
« Bombe atomique » pour Luc Duquesnel, « arme quasi-suicidaire » pour Claude Leicher, les deux syndicalistes prennent leurs distances à l’égard du déconventionnement. « MG France n’incite pas les médecins à le faire », affirme son chef de file qui leur propose, depuis près d’un mois, de pratiquer le C à 25 euros. « Cela montre l’état de désespérance des médecins, la déconnexion tant du ministère que de l’Assurance Maladie », concède pour sa part Luc Duquesnel. Le leader de l’UNOF préfère lui aussi œuvrer sur le terrain tarifaire. Si aucune négociation n’est ouverte au 15 mai, alors les médecins seront appelés à pratiquer des dépassements. « Au-delà d’un motif par consultation, les patients devront prendre un autre rendez-vous ou accepter que le médecin prenne un dépassement à la hauteur de la complexité de la consultation », précise-t-il.
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