Avec 7 items supprimés ou modifiés et plus de 20 nouvelles propositions, le volet médical de la ROSP n’a pas échappé au grand ménage proposé la semaine dernière par le Collège de la Médecine Générale.
Les indicateurs actuels n’ayant pas bougé depuis leur introduction en 2011, l’idée était de coller davantage aux données récentes de la science et de privilégier les items bénéficiant d’un fort niveau de preuve. Tout en prenant en compte les spécificités de profession. « Alors que les objectifs actuels avaient été décidés sans la profession en se basant sur les recommandations HAS et sur l’ancien Capi, le Collège fait des propositions « expertales » qui tiennent compte des aspects scientifiques mais aussi de leur acceptabilité par les médecins et des réalités de terrain » résume le Dr Marie Hélène Certain, membre du groupe de travail ROSP du Collège de la Médecine Générale.
Avec, à la clé, des orientations fortement teintée « médecine générale » et largement inspirées des prises de position affichées ces dernières années par le CNGE.
Diabète : l’HbA1c désavouée, le dépistage des complications renforcé
[[asset:image:9291 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["GARO\/PHANIE"],"field_asset_image_description":[]}]]Pour le diabète, exit donc l’hégémonie de l’HbA1c. Trois items de la ROSP actuelle portent sur la surveillance et le contrôle de ce paramètre mais ces objectifs font grincer les dents de certains généralistes depuis plusieurs années. En 2015, le CNGE avait proposé de le supprimer purement et simplement, arguant du fait que sa surveillance uniforme pour tous les patients n’avait pas démontré son utilité et que son niveau de contrôle n’avait jamais été corrélé à un bénéfice en termes de morbi-mortalité. Le CMG reprend la proposition à minima en supprimant le suivi quadriannuel de l’HbA1c et en ne retenant plus qu’un objectif cible de 8,5 % (contre 2 objectifs à 7,5 % et 8,5 % actuellement, selon le profil du patient). Alors que diabétologues et autorités de santé font de la surveillance et du contrôle de l’HbA1c un objectif en soi dans la prise en charge des patients diabétiques de type 2, le collège a considéré le niveau de preuve sous-tendant ces pratiques trop faible pour les encourager larga manu dans le cadre de la ROSP.
À l’inverse, le dépistage des complications du diabète est renforcé avec l’introduction de deux nouveaux indicateurs portant respectivement sur le pourcentage de diabétiques ayant eu un dosage de micro-albuminurie et un examen des pieds ou une consultation de podologie au cours de l’année. « L’idée est de moins se focaliser sur l’HbA1c pour se concentrer davantage sur d’autres aspects plus validés dans la littérature », explique le Dr Olivier Saint-Lary, membre du groupe de travail ROSP du Collège de la Médecine Générale.
L’avènement du risque cardio-vasculaire global
La feuille de route envisagée par le Collège propose aussi de prendre davantage en compte le risque cardiovasculaire global en introduisant un indicateur portant spécifiquement sur le calcul du risque.
Dans cette logique, les indicateurs portant sur la prescription de statines chez le diabétique hypertendu sont supprimés au profit d’objectifs privilégiant des prescriptions ciblées sur le haut risque cardiovasculaire. « Le diabète n’est pas le seul élément de la décision de prescription de statine, argumente le CNGE qui s’était positionné dans ce sens en 2015. En revanche, diabétiques ou non, tous les patients à haut risque cardiovasculaire peuvent bénéficier des statines qui ont démontré leur efficacité en termes de morbimortalité.»
[[asset:image:9301 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":["PHANIE"],"field_asset_image_description":[]}]]En corollaire, les indicateurs portant sur le LDL-c disparaissent. À nouveau, le Collège de la médecine générale s’aligne sur l’avis du CNGE qui avait proposé dès 2014 d’abandonner la stratégie thérapeutique ciblée sur le taux de LDL C et le contrôle itératif du LDL plasmatique. « Là encore, l’idée est moins de se focaliser sur des cibles biologiques comme on pouvait le faire avant mais plus de baser les prescriptions l’évaluation du risque cardiovasculaire global comme le proposent les recommandations américaines, commente le Dr Saint-Lary.
Pour l’HTA, le Collège reste classique. Malgré la publication fin 2015 de l’étude sprint en faveur d’un contrôle tensionnel plus strict, l’objectif concernant le pourcentage de patient ayant une PA< 140/90 est maintenu en l’état et complété par deux indicateurs portant sur le dépistage de l’insuffisance rénale inspirés par les recommandations de l’ESH de 2013.
Plus surprenante, la proposition visant à introduire deux indicateurs sur le suivi des traitements par AVK peut paraître anachronique à l’heure des nouveaux anticoagulants oraux (AOD). « C’est un message volontaire de ne pas mettre en avant d’emblée l’utilisation des AOD, explique Olivier Saint-Lary, car s’ils sont de plus en plus prescrits, il n’y a pas encore beaucoup de recul en pratique courante et leur supériorité par rapport aux AVK n’est pas si nette que ça. Or dans le cadre du paiement à la performance il ne faut encourager que ce qui est établi avec un fort niveau de preuve.»
Tel est le cas de l’activité physique qui a largement démontré son intérêt en termes de morbi-mortalité cardiovasculaire et dont la prescription pourrait selon le CMG constituer un futur indicateur de ROSP pertinent.
Le dépistage du cancer du sein en débat
[[asset:image:9296 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["PHANIE"],"field_asset_image_description":[]}]]Le dépistage du cancer du sein est, en revanche, bien moins consensuel et a suscité de nombreux débats au sein même du collège, compte tenu du risque de sur-diagnostics et de sur-traitements. La proposition est finalement de maintenir l’indicateur de 2011 (mammographie tous les 2 ans de 50 à 75 ans), « dans l’attente de données stabilisées ». « Je pense que le dépistage du cancer du sein est vraiment une situation clinique de décision partagée entre le médecin et la patiente, que l’intervention d’un tiers - en l’occurrence l’Assurance Maladie – risque de fausser », commente le Dr saint Lary,
Pour le dépistage du cancer du col de l’utérus, l’item de 2011 (dépistage tous les 3 ans) est maintenu en l’état.
Le collège propose en sus d’ajouter un objectif portant sur le dépistage du cancer du côlon (dépistage tous les 2 ans). Par rapport aux autres dépistages de cancers, le CMG propose de valoriser non seulement la réalisation du dépistage en lui-même mais aussi l’évaluation préalable du niveau de risque du patient. Cela afin de repérer les patients à haut risque qui ne relèvent pas du test fécal mais doivent bénéficier d’emblée d’une coloscopie explique, pour le Collège, le Dr Marie Hélène Certain.
Le versant prévention est aussi renforcé : le collège propose d’introduire l’IMC de l’enfant tandis que toute une série d’indicateurs « pédagogiques » portant sur l’alcool et le tabac sont envisagés. Autre innovation, le Collège suggère de faire figurer, dans la future ROSP, trois indicateurs détaillant le statut social des patients afin de lutter contre les inégalités de santé.
Enfin, le document du CMG reprend l’ensemble des indicateurs de bon usage des médicaments avec une nuance concernant les benzodiazépines puisqu’il est évoqué de ne plus faire de différence entre demi-vie longue et demi-vie courte . « Au moment ou le Capi est sorti il y avait des articles suggérant qu’il fallait plutôt privilégier les benzos à demi-vie longue chez les sujets âgés d’où la formulation à l’époque d’un indicateur dans ce sens. Mais en réalité il y a surtout un effet classe peu lié à la demi-vie et il vaut mieux s’intéresser davantage au volume et durée des prescriptions », explique le Dr Saint Lary. Pour les antibiotiques l’ajout d’un item concernant l’utilisation des TDR a été envisagé mais semble pour le moment complexe à mettre en œuvre.
Dans tous les cas, « ces propositions ne sont que des pistes de réflexion qui ne préjugent en rien de ce que sera réellement la future ROSP, insiste le Dr Certain tout en rappelant que « le collège n’est pas négociateur ».
Reste aussi à savoir dans quelle mesure tous ces indicateurs seront réellement capables d’influencer les pratiques. La littérature sur le sujet tend à montrer que si les indicateurs organisationnels permettent réellement d’améliorer la structuration des cabinets médicaux, l’impact des items médicaux en termes de bonnes pratiques semble beaucoup moins évident. Outre-Manche, le Royaume-Uni vient d’ailleurs pour la première fois de revoir à la baisse son budget dédié au paiement à la performance faute de donnée solide dans ce sens…
Études de médecine générale
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