Plutôt dubitatifs les généralistes ! Notre enquête GMG-Call Medi Call montre qu’en ce début 2016, la profession ne croit pas aux lendemains qui chantent. Et apparaît plus que dubitative sur les perspectives d’évolution pour les 12 mois à venir, dernière année utile pourtant, avant la fin du quinquennat.
À commencer pour la première échéance qui va bientôt se présenter : « la Grande Conférence de santé » convoquée par Manuel Valls pour dans un mois, le jeudi 11 février prochain. Près de sept praticiens sur dix estiment que cette grand-messe, centrée sur la formation et le rôle du médecin dans le système de soins, ne débouchera sur aucune avancée concrète pour le corps médical. Seul un sur dix étant de l’avis contraire. Un pessimisme qui est, à l’évidence, le fruit de longs mois de tension avec les pouvoirs publics autour de la loi de santé et qui est amplifié, bien sûr, par le boycott décidé par la totalité des syndicats de médecins libéraux qui refusent d’y participer. Ce rendez-vous n’étant, à ce jour, qu’à l’agenda des organisations d’internes et de jeunes. Le Premier ministre est donc plus que jamais condamné à surprendre et innover s’il veut que son gouvernement regagne le cœur des médecins. Quitte – pourquoi pas – à s’inspirer des enseignements de la « Grande consultation nationale » dont l’Ordre a rendu public les résultats fin décembre.
Un virage conventionnel compliqué à négocier
Passée l’adoption de la réforme Touraine, 2016 devrait aussi être une année de négociations avec la Cnamts. L’actuelle convention arrivant à échéance en septembre, les premières prises de contact avec les représentants des médecins libéraux ne devraient, en effet, pas tarder alors que Marisol Touraine a adressé fin décembre ses directives à la Cnam (voir p. 12). Baptême du feu pour Nicolas Revel, son directeur, qui va mener là sa première négociation d’ampleur avec les médecins, un peu plus d’un an après son arrivée à la tête de l’Assurance Maladie.[[asset:image:8646 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]
Ce virage conventionnel sera aussi compliqué à négocier côté médecins, dans un environnement budgétairement archicontraint, avec un Ondam record à 1,75 % seulement et alors que les dernières élections aux URPS ont considérablement rebattu les cartes syndicales. De leur côté, premiers concernés par ce round conventionnel, les médecins de famille sont pessimistes. Une petite majorité (51,5 %) est même catégorique : dans un tel climat, caisses et syndicats ne parviendront pas à trouver un accord sur un nouveau cadre conventionnel, redoutent-ils. Il est vrai que le précédent échec des négociations sur le travail d’équipe, il y a un an, n’incite en rien à l’optimisme.
En face, un quart des professionnels sondés pense pourtant que les uns et les autres finiront bien par signer, sans doute forts des enseignements du passé : si beaucoup de conventions médicales ont été annulées ou dénoncées avant leur terme, il est rare que blouses blanches et cols blancs de la Sécu ne soient pas parvenus à s’entendre, nuitamment, sur quelques engagements…
La fin du « statu quo » tarifaire ?
Dans ce contexte, le C – dont le niveau est gelé depuis maintenant cinq ans – fera-t-il un bond ? Rien n’est moins sûr pour plus des deux tiers des généralistes. Pas moins de 66,5 % des praticiens interrogés estiment qu’aucun accord ne pourra être trouvé cette année sur le tarif de la consultation. Seul un généraliste sur cinq est aujourd’hui de l’avis inverse, un sur dix ne se risquant à aucun pronostic. Prudence – voire pessimisme – qui peut surprendre, car même si – compte tenu des délais légaux –aucune revalorisation de l’acte de base ne semble pouvoir intervenir dès 2016, on a du mal à imaginer une nouvelle convention sans augmentation, fut-elle symbolique, du C. Il est clair, évidemment, que les syndicats ne s’engageront pas sur un nouveau cadre d’exercice sans coups de pouces financiers à la clé… Et même Marisol Touraine a semblé donner quelque assurance fin 2015, annonçant en substance que la future convention médicale marquerait la fin du « statu quo tarifaire ». Il est vrai qu’il existe désormais mille et une façons de revaloriser les médecins. La ministre n’a pas dit quel vecteur avait sa préférence… Quant à Nicolas Revel, il ne s’est engagé pour l’heure qu’à simplifier un dispositif de rémunération des libéraux devenu, à son sens, trop complexe et un peu illisible.
Une majorité prête à franchir le Rubicon
Et si les généralistes n’attendaient pas ? Et s’ils se servaient eux-mêmes sans attendre l’aval des pouvoirs publics sur le C à 25 euros… L’hypothèse est largement envisagée par vos syndicats qui, ces dernières semaines, ont sondé la profession sur ses desiderata pour des actions futures. Et alors que de nouvelles consignes tombent cette semaine, notre enquête confirme que, ras-le-bol aidant, une part non négligeable des praticiens est désormais prête à franchir le Rubicon de la contestation.[[asset:image:8651 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]
Près de 55 % se disent en effet prêts à « suivre une consigne tarifaire si aucune perspective ne se dessinait dans les prochaines semaines ». 2016 sera-t-elle, de ce point de vue, l’année de la mobilisation tarifaire après tant de mouvements plus ou moins avortés l’an passé ? Cela dépendra beaucoup de la capacité des syndicats à s’engager dans cette voie… et à convaincre les 40 % de généralistes légalistes qui pour l’heure s’en tiennent à la valeur faciale officielle de leur C.
Après l’adoption de la loi de santé fin décembre, l’année qui s’ouvre devrait, par ailleurs, être celle du tiers payant généralisé, avec une première étape en juillet, d’extension aux patients ALD et un rendez-vous crucial en fin d’année, puisqu’à cette date le dispositif – à défaut d’être obligatoire – devra être techniquement prêt, pour qu’un patient puisse le réclamer à son médecin. Mais les médecins de ville n’y croient pas. On les savait résolument hostiles au dispositif, notre enquête les révèle aussi plus que sceptiques sur la capacité des pouvoirs publics et des caisses à mener ce chantier à bien : huit sur dix sont prêts à parier que le dispositif ne sera pas techniquement opérationnel au début de l’année prochaine contre un sur dix seulement qui s’affiche de l’avis contraire. Réponse dans le courant de janvier, puisque l'Assurance Maladie et les complémentaires ont prévu de rendre avant la fin du mois leur rapport sur la mise en place du TPG…
Reste la grande promesse de Hollande d’offrir, d’ici à la fin de son mandat, la proximité des urgences à tout concitoyen. Mettre tout assuré à moins de 30 minutes des soins urgents en 2017 ? « Tartufferie », semblent répondre en chœur plus de 80 % des généralistes ! Il est vrai que cet engagement gouvernemental ne se concrétise par aucune ouverture de services d’urgences, mais par un plan de développement d’hélicoptères sanitaires et, sur le terrain, par le recours croissant aux médecins correspondants de Samu (MCS).
Les généralistes ruraux sont donc en première ligne puisqu’il s’agit d’en former davantage aux urgences vitales en attendant l'arrivée de l’hélico ou de l’ambulance sur le modèle de ce qui a été développé il y a une dizaine d'années dans une vingtaine de départements. 440 MCS seraient déjà en fonction aujourd’hui, ce qui, selon le ministère de la Santé, aurait déjà réduit de moitié les concitoyens éloignés des urgences par rapport au début du quinquennat. Reste un million de Français à rapprocher encore des urgences et cela suppose un peu plus de 200 MCS à embaucher d’ici là. Ça vous tente ?
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