Le réseau social X (ex-Twitter) perd chaque jour un peu plus de terrain. Depuis le rachat de la plateforme par Elon Musk en 2022 et les changements controversés qui ont suivi, associés à la montée en puissance de la désinformation, de nombreux utilisateurs ont quitté X pour Bluesky et son papillon bleu.
Lancé en février 2023 par Jack Dorsey (ancien PDG de Twitter), le réseau a récemment franchi la barre des 23 millions d'utilisateurs, une croissance fulgurante après avoir compté à peine 5 millions d’utilisateurs cet été.
Twitter : une côte en baisse auprès des scientifiques et des médecins
L'exode vers Bluesky semble également concerner de nombreux scientifiques et professionnels du secteur médical, qui prennent progressivement leurs distances avec X. Cet exode est alimenté par des préoccupations qui concernent la modération du contenu et la désinformation, en croissance depuis le rachat de X par Elon Musk, récemment nommé par Donald Trump à la tête d’un ministère de l’ « efficacité gouvernementale ».
Ce mardi 3 décembre, c’est l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) et ses 38 hôpitaux, qui a annoncé l’arrêt immédiat de son activité sur la plateforme X au profit du papillon bleu. « L’AP-HP a décidé de se retirer de la plateforme X dont les conditions de régulation et de modération ne permettent plus à ce jour de garantir un cadre de communication compatible avec la lutte contre la désinformation, le respect d’un débat apaisé et la protection des valeurs qui fondent la mission médicale et scientifique de notre établissement », lit-on.
Dès le lendemain, la Conférence des doyens lui a emboîté le pas, en annonçant son retrait du réseau social, jugée contraire à « ses valeurs de tolérance et d’humanisme ». « Cette décision fait suite à l’évolution éditoriale de X, qui va à l’encontre de [nos] missions de formation des étudiants en santé et de recherche, lit-on dans un communiqué. Le réseau social X est devenu un espace de propagande où la désinformation se propage désormais sans modération. Il ne répond plus aux conditions nécessaires pour assurer une diffusion sereine et fiable de nos messages et de notre communication scientifique. » Dans son message, l’institution va plus loin encore et « engage chaque doyen à faire de même dans chaque faculté de médecine ou de santé », tout en précisant envisager son rapatriement « à court terme » sur le réseau Bluesky.
Espace de discussion plus fiable et serein ?
Sans donner d’explications particulières, de nombreux autres établissements, comme l’AP-HM (Assistance publique-Hôpitaux de Marseille) ou l’institut Pasteur, ont aussi ouvert un compte sur la nouvelle plateforme, tout en continuant à poster sur X. Le premier post du réseau hospitalier marseillais remonte au 24 octobre 2023, il y a plus d’un an.
Mais l’origine de ce basculement est-il liée à de véritables convictions politiques, à un rejet des valeurs véhiculées par X ou à une simple stratégie de communication ? Les motivations interrogent mais sont encore floues. L’ambiance plus sereine, fiable et respectueuse – parfois moins politisée de la plateforme – pourrait néanmoins expliquer cette migration. C'est notamment le cas de Baptiste Beaulieu, médecin généraliste et écrivain, qui a annoncé son retrait de X, dans un tweet du 27 novembre. « Bye bye Twitter, t’étais chouette, j’ai rencontré des gens formidables, mais je laisse ta violence ici, et ce compte sera désormais fermé (…) », écrit-il.
Pour les médecins libéraux, adeptes du microblogging, c’est aussi l’esprit de « communauté » de Bluesky, rappelant les débuts de Twitter, qui attire. « Pour l’instant, c’est vrai qu’il n’y a pas encore tous les politiques et les institutionnels sur Bluesky. On est aussi moins exposés à la désinformation médiatique ou à des propos politiques qui peuvent franchement agacer, c’est beaucoup plus positif, loue le Dr Michaël Rochoy, généraliste à Outreau (Pas-de-Calais). Le problème, c’est qu’on est dans une bulle un peu coupée de la réalité », reconnaît-il aussi.
Si le généraliste trouve certains avantages à la nouvelle plateforme, il ne compte pas pour autant renoncer à son compte X ni basculer définitivement sur son concurrent. « Personnellement, j’ai créé un compte Bluesky parce que tous mes amis, notamment médecins, y sont depuis un moment. Mais c’est clair que je ne vais pas arrêter de relayer des informations ou des commentaires politiques ou même de râler sur X », illustre le généraliste aux près de 18 000 abonnés.
Transfert de la violence ?
Car l’avantage de X réside évidemment dans son nombre d’adhérents, qui génère du débat à haute dose – plus ou moins de bonne qualité, il est vrai. En réponse au Dr Richard Talbot, trésorier de la Fédération des médecins de France (FMF) et généraliste en Normandie affichant sa volonté de « progressivement réduire puis arrêter [s]on activité ici », une consœur généraliste lui a répondu : « Je suis partie sur Bluesky l’an dernier mais je n’ai vraiment pas accrochée [sic] et suis revenue ici. C’est beaucoup plus vivant et animé ! […] »
En dehors du débat mécaniquement plus fourni sur X que sur Bluesky, se pose la question de la nature même des échanges. Le Dr Rochoy en est conscient : la modération personnalisée offerte par la plateforme émergente ne résoudra pas le problème de la violence présente en ligne. « C’est sûr que sur Bluesky, il y a moins de trolls et de bots car ils sont plus facilement bloqués, mais je pense que ça arrivera un jour ou l’autre et que certains comportements problématiques de Twitter se reproduiront et que le même problème se posera de nouveau ». À la question faut-il migrer ou rester ? La réponse est loin d'être évidente pour tous les twittos de la première heure, désenchantés de Twitter.
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