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Dossier

L’heure de la réforme a-t-elle sonné pour la PDS ?

Les députés planchent sur vos gardes

Publié le 10/10/2014
Les députés planchent sur vos gardes


GARO/PHANIE

Après neuf mois de travaux, la mission d’information sur la permanence des soins doit rendre d’ici à la fin de l’année une série de recommandations pour améliorer l’organisation du système actuel. Le gouvernement s’en inspirera-t-il pour retoucher son projet de loi santé ? Auditionnée la semaine dernière par les députés, Marisol Touraine ne semble pas disposer à bouleverser le système en place. Les syndicats de médecins non plus. Mais tout le monde n’est pas forcément de cet avis...

Pour certains acteurs du monde de la santé, mais aussi politique, l’organisation actuelle de la PDS est à revoir. Que cela vienne de la Cour des comptes, du SAMU ou des élus locaux, ces critiques portent, à tel point que les parlementaires se sont emparés du problème en fin d’année dernière en lançant une mission d’information sur l’organisation de la permanence des soins sous l’égide de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale.

Ces derniers mois, les auditions du président du SAMU-Urgences de France, Marc Giroud, ou encore celle d’Antoine Durrleman, président de la 6e Chambre de la Cour des comptes, ont relancé la polémique. Après plusieurs mois de travaux et alors que le rapport était prévu pour cet été – il a, depuis, été reporté à la fin de l’année – quelles sont les mesures que les députés pourraient souffler à la ministre de la Santé pour réformer la PDS ? Les règles du jeu actuelles, issues de la réforme de 2002, sont-elles en péril ?

Le volontariat est-il menacé ?

Pour les syndicats de médecins libéraux, nul besoin de grand soir de la PDS, quelques ajustements devraient suffire. Mais le rapport de force basculera-t-il dans leur sens ? En février dernier, le rapport de l’Ordre des médecins sur la permanence des soins attestait aussi d’un fonctionnement satisfaisant du dispositif : participation croissante des généralistes à la régulation libérale et pourcentage honnête d’effecteurs sur les gardes, même si le volontariat poursuit son érosion d’après les ordinaux.

Une étude de l’URPS Aquitaine est venue cet été confirmer la santé plutôt bonne du dispositif. Même si la fragilité quant aux effectifs est à chaque fois soulignée… Est-ce une raison suffisante pour que les députés aient envie de remettre en cause le volontariat acquis de haute lutte il y a douze ans ? Difficile à dire car, en dépit des vives critiques émises par la Cour des comptes qui s’alarme de la baisse du nombre de généralistes volontaires en zones « blanches », c’est à un véritable tollé que devraient faire face les parlementaires s’ils suggéraient de revenir à l’obligation de la garde.

Lors de son audition dans le cadre de la mission de la PDS présidée par Jean-Pierre Door (UMP), la ministre de la Santé a exclu de revenir en arrière sur ce point, même si cela semble plus par raison que par conviction qu’elle semble se ranger à cette position. Question de flair politique sans doute. « Je ne suis pas inquiet car je sais que les généralistes, ceux-là même qui sont descendus dans la rue en 2002 pour défendre le volontariat, seront prêts à recommencer s’il devait être remis en question », assure le président de l’Unof. Pour Luc Duquesnel, « il n’y a aucune raison que le volontariat soit menacé car le système actuel fonctionne très bien ». À l’Ordre, on fait le même constat. « Dans l’ensemble, la mission de service est plutôt bien assurée sur le territoire et, pour l’instant, il n’y a pas de situation catastrophique. Quelques améliorations peuvent être apportées mais il n’est pas nécessaire de révolutionner la PDS », explique le Dr Jean-Michel Beral en charge du dossier PDS à l’Ordre national des médecins.

 

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Le Dr Claude Bronner, président d’Union Généraliste, est moins optimiste. Pour le généraliste de Strasbourg, le volontariat est surtout menacé par la crise démographique. Avec le vieillissement de la profession et la désertification des campagnes, difficile de trouver des volontaires… Mais ce qui l’inquiète surtout, c’est la position des ordinaux car « sur le terrain, le blocage vient d’eux ». à l’en croire, ils délivreraient moins facilement des dérogations aux plus de 60 ans et ces derniers seraient donc soumis au bon vouloir des préfets ! Concernant les réquisitions, le rapport de la Cour des comptes en 2013 disait à peu près l’inverse… et plaidait pour un transfert du pouvoir de réquisition du préfet au directeur général de l’ARS pour rendre plus efficace celles-ci. La mission d’information retiendra-t-elle cette suggestion ? Il semble que sur cette question les députés ne sont pas tous du même avis...

 

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Encore plus de sectorisation ?

La question de la définition des secteurs risque aussi de se poser encore. La France compte aujourd’hui 1 764 secteurs contre 1 910 il y a un an. En dix ans, leur nombre a été divisé par deux, relève l’Ordre. Et, au vu de la faible densité de certaines zones, il se pourrait bien que le nombre de secteurs se réduise encore un peu. Sur le principe, les médecins libéraux ne sont pas contre. Le problème, selon eux, ce sont les moyens financiers qui seront donnés aux généralistes. Car « il ne faudrait pas que le médecin passe sa garde dans sa voiture pour faire les visites à domicile », prévient Luc Duquesnel. Un avis que partage Roland Rabeyrin, en charge du dossier PDS à MG France. « Dans certains cas réduire le nombre de secteurs peut permettre une meilleure offre de soins, notamment dans les zones en déficit. Mais cela implique de multiplier les maisons médicales de garde et de modifier la rémunération des astreintes car le médecin devrait alors rester sur place ».

 

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Une analyse que la ministre de la Santé ne semble pas faire sienne. Elle a expliqué la semaine dernière qu’étant donné que « toutes les réalités locales ne sont pas les mêmes », il n’était pas nécessaire de créer une maison médicale de garde pour chaque secteur. En revanche, quant à la difficulté d’avancer les frais pour certains patients, la ministre s’est déclarée « très favorable » à la mise en place du tiers payant dans ce type de structure. Autre difficulté : le transport de certains patients vers les maisons médicales de garde qui n’est pas gratuit, contrairement aux urgences. Une expérimentation sera lancée en 2015 dans un « cadre très restrictif » pour justement se rendre compte de la faisabilité d’un tel dispositif, a annoncé la

ministre lors de son audition.

Quel financement pour la rémunération des astreintes ?

Reste à aborder le nerf de la guerre : l’argent. En 2013, la conclusion de la Cour des comptes était sans appel : trop chère et pas assez efficace, la PDS en avait pris pour son grade. Les sages de la rue Cambon s’étaient indignés de sa gestion et de son organisation. Et les magistrats financiers s’étranglaient en constatant que le budget avait été multiplié par trois en dix ans pour atteindre désormais près de 700 millions d’euros. Le constat hérisse toujours autant les syndicats. Luc Duquesnel en tête. « C’est normal que son budget ait augmenté, avant elle n’était pas payée ! » Pour le chef de file de l’Unof, pas question de revenir là-dessus. Il propose plutôt de ramener le financement de la PDSA dans le cadre conventionnel pour harmoniser les disparités des sommes perçues entre les différents secteurs qui passent « du simple au double ». Une solution qui reviendrait à retirer aux ARS le leadership sur la PDS. « Aujourd’hui, il y a des médecins régulateurs rémunérés à 3C de l’heure alors qu’ils seraient plus payés dans leur cabinet. On arrive à des situations où il est devenu moins cher de travailler la nuit qu’en journée ».

À la Cour des comptes, on prêche au contraire en faveur d’enveloppes régionales fermées « calculées sur des bases objectives », selon les magistrats. La Cour propose également de subordonner le versement de la majoration spécifique au respect par les associations de PDS « d’un corps de règles garantissant l’homogénéité et la qualité de leur mode de régulation ». Il n’y aura pas « d’étatisation », promet de son côté Marisol Touraine qui ajoute : « Je n’entends pas couper les ailes aux initiatives locales qui fonctionnent ».

Revoir les modalités de financement, le Dr Bronner est plutôt pour mais « pas à la baisse ! ». Le « vrai » problème, selon lui, n’est pas dans la forme que l’on donnera à la rémunération, forfait ou autres, mais au montant qui sera finalement accordé. « Si on veut vraiment professionnaliser les gardes, il faut proposer une somme adéquate. À 1 000 euros par nuit, il n’y aura aucun problème pour trouver du monde. » Tous les espoirs sont permis mais, dans un contexte de réduction budgétaire, il y a peu de chances que les députés retiennent cette piste…

Comment réduire le nombre de passages aux urgences ?

Autre sujet de débat : la réduction des recours directs aux urgences hospitalières et des actes non régulés en ville. La Cour des comptes estime qu’environ 3,6 millions de passages seraient « évitables » et leur réorientation vers la médecine de ville pourrait dégager une économie de 500 millions d’euros. Les médecins libéraux sont à peu près sur la même longueur d’ondes. Selon une étude citée par Luc Duquesnel, 65 % des appels en PDSA font l’objet de conseils de la part des médecins régulateurs, 10 % donnent lieu à des ordonnances faxées et 25 % sont envoyés vers les maisons médicales de garde. Une façon pour lui d’argumenter sur l’idée que la médecine de ville pourrait parfaitement répondre aux besoins des urgences pendant les horaires de la PDS. Pour lui, le problème est ailleurs. « La mauvaise utilisation du système de soins pose un problème de coût très important et la problématique vient de la lisibilité de la PDS », explique-t-il.

Revendication de longue date des syndicats de médecins libéraux, la création d’un numéro unique prévu dans la loi santé de Marisol Touraine a été plutôt bien accueillie par la profession. Même si des inquiétudes persistent. Pour le généraliste de Mayenne, « c’est une bonne chose qu’il y ait un numéro national dédié à la PDSA mais le problème c’est que le gouvernement n’a pas tranché ». Il faudrait selon lui ne plus permettre de passer par le 15 pour accéder à la PDSA, « au risque de voir la mauvaise utilisation du système de soins perdurer ». Un constat partagé par le Dr Roland Rabeyrin, chargé du dossier PDS à MG France. « Au début de la régulation libérale, c’est assez difficile avec les patients. On est passé du tout appel pour un déplacement à des appels pour un conseil ». Tous pointent le manque d’information à destination du grand public et réclament qu’une grande campagne de communication pour la PDS soit lancée pour inculquer un vrai changement dans les habitudes et mentalités. La ministre de la Santé a assuré qu’elle serait mise en place après le vote de la loi santé en 2015. Actuellement, ce dispositif est déjà installé dans deux régions?: Midi-Pyrénées et Franche-Comté.