Pour évaluer le risque des patients diabétiques de type 2

Le score calcique, un outil indispensable

Publié le 24/03/2023
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Chez les patients diabétiques de type 2, la mesure du score calcique constitue un outil validé pour l’évaluation du risque et une étape clé dans la recherche d’une maladie coronaire silencieuse, et dans la détermination individuelle des objectifs et des choix thérapeutiques. La pratique de cet examen devrait s’élargir, en se rapprochant de nos confrères radiologues.
Objectifs cibles et classes thérapeutiques selon le risque coronaire d’après le consensus SFC-SFD (2)

Objectifs cibles et classes thérapeutiques selon le risque coronaire d’après le consensus SFC-SFD (2)
Crédit photo : DR

L’examen est rapide, non invasif et peu irradiant

L’examen est rapide, non invasif et peu irradiant
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Le risque cardiovasculaire (CV) des patients diabétiques sans antécédent CV est élevé, mais hétérogène. Son évaluation doit conduire à réaliser, ou non, des explorations complémentaires, en particulier à la recherche d’une maladie coronaire silencieuse, et à définir des objectifs thérapeutiques individualisés, comme nous l’avons préconisé dans les recommandations européennes ESC-EASD (1) et dans le consensus français SFC-SFD sur la stratification et le dépistage de la maladie coronaire (2).

Or, la mesure du score calcique coronaire (SCC, ou CAC score pour coronary artery calcium score en anglais) est reconnue pour venir modifier l’évaluation de ce risque.

Modification du risque évalué a priori

Dans un premier temps chez les diabétiques de type 2 sans antécédent CV, les facteurs de risque classiques doivent être considérés, ainsi que l’ancienneté du diabète, l’équilibre glycémique et les atteintes d’organes cibles (AOC), dont la présence inscrit d’emblée le patient dans le très haut risque CV. Les AOC sont des marqueurs d’atteintes rénales (protéinurie ou DFG estimé < 30 ml/min/1,73 m2), rétiniennes (surtout rétinopathie sévère) ou cardiaques (hypertrophie ou altérations fonctionnelles du ventricule gauche).

La présence d’un athérome significatif périphérique (détecté en première intention sur l’index de pression systolique cheville-bras) ou coronarien (SCC élevé) fait aussi d’emblée reconnaître le risque très élevé (1, 2). Considérer ces critères est sans doute plus approprié qu’évaluer le risque sur des échelles, d’ailleurs peu utilisées en pratique.

Le SCC est mesuré sur un scanner cardiaque sans injection de produit de contraste en quantifiant le volume des calcifications coronaires, chaque calcification correspondant à une plaque d’athérosclérose. L’examen est rapide, non invasif et peu irradiant (1 à 2 mSv). Le SCC a une valeur pronostique bien démontrée d’évènements CV, additionnelle à celle déterminée a priori, et permet ainsi de reclasser le risque. Il permet également d’identifier les patients ayant une plus forte probabilité de porter une ischémie myocardique silencieuse (IMS).

Selon les recommandations ESC-EASD, le risque CV des patients diabétiques de type 2 en prévention primaire est stratifié comme étant modéré, haut ou très haut, comme dans le consensus SFC-SFD, qui propose un algorithme en trois étapes :

1. Les patients porteurs d’AOC sont d’emblée classés à très haut risque ;

2. Sinon, certains patients sont considérés à haut risque s’ils remplissent au moins deux critères parmi : durée de diabète ≥ 10 ans, présence de complications microangiopathiques, d’une neuropathie autonome ou de facteurs de risque non contrôlés ;

3. Le SCC est mesuré chez ces patients à haut risque et, soit les maintiendra dans ce haut risque, soit les reclassera dans le risque modéré ou très haut.

La détection de l’IMS est réservée aux patients à très haut risque : soit dès l’étape 1, soit après le SCC, en privilégiant la scintigraphie myocardique ou l’échocardiographie de stress.

Validation dans la stratégie de dépistage de l’IMS

En reprenant notre dernière série de 385 patients diabétiques (90 % de type 2) qui avaient tous eu une scintigraphie de stress et une mesure du SCC, et une coronarographie pour ceux avec IMS, nous avons pu valider la stratégie proposée dans les recommandations ESC-EASD (3).

Le SCC était ≥ 100 UA chez 45 % d’entre eux et une IMS présente chez 10 %.

La stratégie suggérant le dépistage de l’IMS si le risque est très élevé d’emblée (présence d’AOC sévères), ou au vu d’un SCC ≥100 UA, aurait permis d’identifier tous les patients avec sténoses coronaires éligibles à une revascularisation, tout en réduisant de 39 % le nombre de scintigraphies myocardiques de stress, avec un avantage médico-économique évident.

Nous avons également validé la stratégie du consensus SFC-SFD (4). En réalisant une scintigraphie de stress seulement chez les patients à très haut risque, d’emblée ou après reclassement par le SCC, nous aurions pu dépister tous les patients avec sténoses coronaires, tout en réduisant de moitié le nombre de scintigraphies de stress.

Incidences thérapeutiques d’un score élevé

Un patient ayant un SCC élevé n’est plus strictement en prévention primaire, mais plutôt primosecondaire. Cette situation justifie le contrôle intensifié des facteurs de risque, lipidiques, tensionnels et glycémiques, un traitement par une statine et un bloqueur du système rénine-angiotensine, ainsi que l’aspirine qui, selon l’étude Ascend, devrait être bénéfique dans ce contexte — en l’excluant toutefois en cas de risque hémorragique et en associant un IPP au moindre doute.

Elle justifie également un traitement antihyperglycémiant par agonistes du récepteur du GLP1 ou inhibiteurs du cotransport rénal sodium-glucose de type 2, qui ont démontré un bénéfice CV dans les essais de sécurité CV (lire tableau). Ce bénéfice est plus grand en présence d’une maladie CV établie mais aussi, selon certaines analyses, d’une maladie CV asymptomatique, qu’en prévention primaire stricte et cela, indépendamment du niveau et de l’objectif d’HbA1c.

Exergue : Le reclassement a permis de dépister tous les patients avec sténoses coronaires éligibles à une revascularisation, tout en réduisant de moitié le nombre de scintigraphies myocardiques de stress

Polyclinique d’Aubervilliers et Université Paris NordPaul Valensi déclare avoir fait des conférences à la demande d’Abbott, AstraZeneca (AZ), Boehringer-Ingelheim (BI), Eli-Lilly, Merck-Sharp-Dohme (MSD), Novartis, Novo-Nordisk (NN), Sanofi, Servier ; avoir obtenu des crédits de recherche de NN et AZ ; avoir participé à des comités d’experts pour Abbott, AZ, BI, Daiichi-Sankyo, MSD, NN, Sanofi, Servier

(1) Cosentino et al. Eur Heart J 2020 ;41:255-323

(2) Valensi P et al. Diabetes Metab 2021 ;47:101185

(3) Valensi P et al. Card Diabetol 2023 ;22-33

(4) Cosson E et al. Diabetes Metab 2022 ;49:101412

Pr Paul Valensi

Source : Bilan Spécialiste