Tout a commencé par un mail de l’Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC), envoyé à tous les professionnels de santé lundi 18 octobre.
Dans cette missive virtuelle, l’Agence explique s’être « rendue compte que de nombreux professionnels pour lesquels aucun mode d’exercice n’était remonté des données gérées par l’Agence du numérique en Santé (ANS) lors de la création ou la migration de leur compte sur le nouvel espace dédié, et devant probablement exercer sous statut de remplaçant(e) non éligible à notre prise en charge, s’étaient inscrits à des actions de DPC ».
Le conventionnement en toile de fond
C’est cette dernière partie de la phrase qui a provoqué la colère du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR), lequel s’est fendu d’un tweet mardi, alertant sur ce qu’il qualifie d’une accusation « d’être des pirates fraudeurs pour s’être inscrits à des DPC sans être conventionnés ! »
L'@AgenceDPC accuse à demi mot les remplaçants d'être des pirates fraudeurs pour s'être inscrits à des DPC sans être conventionnés !
— ReAGJIR (@ReAGJIR) October 19, 2021
C'est à nouveau méconnaître le statut complexe des remplacants, et mélanger statut (thésé ou non), activité & situation à l'égard de la convention pic.twitter.com/B65IL9hZix
L’Agence poursuit son mail en écrivant que ce sont « des faits extrêmement graves », rappelant le cadre juridique de ce délit pénal, allant jusqu'à sept ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende.
Incompréhension et inquiétude
Interrogée mardi dans la journée, la présidente de ReAGJIR, Dr Agathe Lechevalier, trouve cette décision « injuste » car les remplaçants bénéficiaient jusqu’alors d’une « tolérance » puisqu’ils « appliquent la convention de la Cnam » et « travaillent depuis 45 jours », ce qui était auparavant la condition pour avoir accès au DPC, lequel est pris en charge, contrairement au Fonds d'assurance formation (Faf).
La généraliste regrette de ne « pas avoir été prévenue » et assure « ne pas comprendre » pourquoi ce changement a eu lieu si soudainement. De plus, argumente-t-elle, de nombreux adhérents remplaçants ont rapporté à leur présidente être inquiets pour leur formation future.
La réponse de l'Agence
Contactée, l’Agence a répondu mardi soir par mail au Généraliste qu'elle « s’est en effet aperçue en juillet dernier qu’une vieille règle négociée dans le cadre de la gestion conventionnelle de la formation, consistant à prendre en charge des remplaçants à partir d’un certain nombre de jours d’exercice, était encore appliquée par les services de liquidation de factures », confirmant ainsi les dires de « tolérance » du Dr Lechevalier.
Or, réplique l’ANDPC, « cette pratique est en claire opposition avec la réglementation en vigueur et les règles de financement inscrites depuis 2016 dans le Code la Santé publique (CSP). Elles ne peuvent donc plus faire l’objet de "tolérance" ». Dans les faits, ajoute-t-elle, l’Agence « est en cours d’actualisation du document des règles de prise en charge pour le rendre conforme à la réglementation ». Ils devraient être remis en ligne « avant la fin du mois d’octobre ». Aucun indu ne sera réclamé pour les années antérieures ni les six premiers mois de l’année 2021, « en revanche, la règle est désormais clairement indiquée sur le site extranet d’inscriptions des professionnels », précise-t-elle.
Une application de la réglementation
« Il ne s’agit aucunement d’une nouvelle décision de l’Agence mais d’une application de la réglementation. » L’Agence cite l’article R.4021-22 du CSP, lequel prévoit qu’elle « contribue au financement des actions des professionnels de santé conventionnés et des salariés des centres de santé conventionnés avec l’Assurance maladie ».
L’Agence explique ensuite au Généraliste que jusqu’à présent, les professionnels de santé se créaient un compte de DPC sur la base d’informations déclaratives. Depuis le 1er juillet dernier, ils doivent obligatoirement en créer un nouveau ; ceci permettant d’alimenter leur document de traçabilité (DDT) de toutes les actions suivies au fil des ans et de justifier le respect de leur obligation de DPC à l’issue de chaque exercice triennal. Mais ce nouveau compte est pré-rempli après saisie du numéro RPPS ou Adeli avec les données de l’ANS qui centralise les informations transmises par les Ordres ou les ARS.
« Or, en ce qui concerne les remplaçants, aucun lieu et/ou mode d'exercice ne remonte », confirme l’Agence. « Normal », puisqu’ils ne sont pas installés et « ne peuvent pas être conventionnés, leur exercice se faisant dans le cadre d’un contrat de droit privé avec le remplacé ».
L’organisme conclut que « les médecins remplaçants peuvent créer leur compte et accéder au document de traçabilité mais ne peuvent pas prétendre au financement de l’Agence. Le financement du DPC des remplaçants relève du FAF-PM et du FIF-PL auxquels ils cotisent. Les conditions d’éligibilité à la prise en charge des professionnels de santé ont été mises à jour sur leur site extranet le 17 septembre dernier. »
Une politique anti-remplaçants ?
Rappelée mercredi après-midi pour réagir à la réponse de l'Agence, Dr Lechevalier ne change pas de discours. « C’est leur interprétation de la loi qui a changé. Les remplaçants ne font pas le choix de ne pas être conventionnés, mais ils respectent la convention et sont considérés par les autres institutions comme tels. Les priver d’une obligation déontologique et légale, alors qu’il n’y pas de changement qui la justifierait, est une discrimination injustifiée ».
La présidente du syndicat remarque que « pas mal de généralistes au sein du Cnom ont des positions anti-remplaçants… On se demande si ce n’est pas politique. Nous n’avons, par exemple, pas eu le droit au Dipa pendant le Covid… » Le syndicat ReAGJIR devrait communiquer rapidement avec le Collège de médecine générale (CMG) pour espérer interpeller la Cnam, le Cnom et Ségur. Le Dr Lechevalier se montre en tout cas très déterminée.
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