La santé mentale, « grande cause nationale 2025 » : c’est du moins l’ambition du Premier ministre, Michel Barnier. Parmi les premiers concernés par cet enjeu : les étudiants. D’après plusieurs enquêtes, quatre jeunes sur dix ont déjà pensé au suicide. Le cursus de médecine est concerné au premier chef : la semaine dernière encore, une vaste étude conduite par les syndicats d’étudiants (Anemf) et d’internes (Isni, Isnar-IMG) a illustré la fragilité de la santé mentale des futurs médecins sur tous les indicateurs (symptômes anxieux, burn-out, épisodes dépressifs « caractérisés », troubles du comportement alimentaire, consommation d’anxiolytiques, etc.). Et 21 % d’entre eux ont eu des pensées suicidaires sur les douze derniers mois.
Le ministère de l’Enseignement supérieur, dans son guide de rentrée 2024, a rappelé que tous les étudiants doivent pouvoir « se former au secourisme en santé mentale ». Une façon de participer à la déstigmatisation des troubles psychiques et à la promotion de la santé dans une approche participative. Mais si les feux semblent au vert dans les universités, en pratique, il reste du chemin à faire, notamment parmi les carabins.
Pas assez d’argent, pas assez de temps
À Besançon, Anaïs Ravel, interne en psychiatrie, le confirme : la formation à la santé mentale, tous les étudiants n’y ont pas accès. « On a pu l’obtenir parce qu’on est un syndicat », souligne celle qui est aussi vice-présidente « santé mentale » de l’Association des internes et chefs de clinique de Besançon (AICB). Même constat à Montpellier : plusieurs formations ont été proposées mais s’adressaient en priorité aux référents des promotions ainsi qu’aux membres des associations. « Ce sont des formations qui coûtent cher et offrent peu de places, on a donc préféré former ceux qui étaient les plus à même de pouvoir diffuser les informations aux autres étudiants », assume Marianne Kermarc, vice-doyenne étudiante, en troisième année de médecine. Le manque de temps et de disponibilité des carabins complique aussi la donne.
Des contraintes qui n’ont pas échappé à l’université de Limoges. Rosalie Vang, directrice du service de santé universitaire, constate que les sessions ne font pas le plein. Pourtant, l’université y a mis les moyens : deux coordinatrices ont pu être formées par l’association Premiers secours en santé mentale (PSSM France) pour délivrer une fois par mois la formation aux étudiants. « C’est gratuit mais ils doivent pouvoir se dégager deux journées d’affilée dans leur emploi du temps, il faut que leur composante l’accepte et ce n’est pas tout le temps le cas », prévient la directrice du service de santé. De fait, sur les sites des universités, de nombreuses formations au secourisme en santé mentale sont proposées aux étudiants mais en précisant que ces derniers ne doivent « pas privilégier la formation sur [leurs] enseignements universitaires ». Pas simple.
Pour en bénéficier, les étudiants doivent pouvoir se dégager deux journées d’affilée dans leur planning
Rosalie Vang, directrice du service de santé de l’université de Limoges
Résultat, depuis 2019, seuls 7 000 étudiants, toutes filières confondues, ont pu être formés officiellement par PSSM France, seul organisme habilité à délivrer le module. Une « goutte d’eau par rapport au nombre d’étudiants », admet Caroline Jeanpierre, la présidente de cet opérateur. « C’est un format qui s’est développé en Australie et qui existe depuis plus de vingt ans, explique-t-elle. En France, nous avons une licence pour délivrer la formation mais nous devons maintenir un cadre, qui est de fait peu adapté au modèle universitaire. Mais en même temps, la formation n’a pas vocation à se dérouler en visio ou en amphi. Comme on veut qu’il y ait des échanges et des mises en situation, on ne propose que seize places sur les deux jours, cela permet de créer un lien. » Entre l’objectif du gouvernement et la réalité sur le terrain, il y a donc un fossé.
Rendre la formation obligatoire ?
Parmi les solutions évoquées, l’inscription de cette formation dans les enseignements fait son chemin, pourquoi pas sous forme de module obligatoire. Mais cette idée ne convainc pas Céline Maudet, coordinatrice au service de santé de l’université d’Angers. « Même si la santé mentale est moins taboue, les sujets abordés triturent les méninges. Il faut être prêt à entendre parler de suicide, de mort. Or on n’est pas tous capable d’entendre la souffrance des gens. » Et ce, même pour des étudiants en santé, qui ont eu quelques bases en psychiatrie pendant leur premier cycle. « On n’est pas tous capables de réagir face à ces situations. Il y a une vraie différence entre la théorie et la pratique », appuie Anaïs Ravel. Pas sûr donc qu’une obligation de formation soit pertinente.
Une autre initiative pourrait voir le jour, grâce à l’Isni. Le syndicat d’internes en médecine collabore depuis un an avec l’organisme PSSM France dans l’objectif de former des référents d’internes en première année. « On travaille à l’intégration de la formation dans notre programme », confie Killian L’helgouarc’h, président de l’intersyndicale. Le module pourrait être proposé à quelques juniors avant d’être généralisé. « Il faudra analyser les bénéfices pour les internes mais ce pourrait être une solution parce qu’on n’est pas tous psychiatres ! Même si on sait soigner des symptômes de dépression, on ne sait peut-être pas toujours les repérer, surtout quand cela concerne nos collègues. »
Le chemin sera long. « Plus on sensibilise tôt, moins on aura de difficultés ensuite, y compris dans ces études, et ça, les étudiants comme l’université l’ont bien compris », positive Céline Maudet. Dans sa faculté, à Angers, les listes d’attente pour bénéficier de la formation à la santé mentale ne désemplissent pas. « Le dispositif est connu dans toute l’université et les instances ont été facilitantes, ça ne pose donc aucun problème pour les étudiants d’y participer. » Comme quoi, avec de la volonté, tout est possible.
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