Le Sénat poursuit cette semaine l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023. Et mercredi soir tard, les sénateurs ont voté l’article 23 qui crée une 4e année au DES de médecine générale.
Ils ont cependant préféré adopter cette mesure dans les termes exacts de la proposition de la loi Retailleau (LR) adoptée par la chambre en octobre. Ils ont donc fait adopter l’amendement 57 pour que l’article 23 soit désormais rédigé ainsi : « La quatrième année du troisième cycle de médecine générale est intégralement effectuée en stage en pratique ambulatoire dans des lieux agréés. Les stages ainsi effectués le sont sous un régime d’autonomie supervisée et en priorité dans les zones mentionnées au 1° de l’article L. 1 434-4 du code de la santé publique de la région à laquelle appartient la subdivision territoriale de l’étudiant ».
L’adoption de cet amendement a donc fait tomber tous les autres y compris celui déposé par le gouvernement pour permettre de manière dérogatoire de faire une partie de cette année en stage hospitalier.
Avant le vote, plusieurs amendements visant à supprimer purement et simplement l’article 23 avaient été rejetés.
La rémunération en question
Au cours des débats, les sénateurs ont dans l’ensemble reproché au gouvernement un manque de concertation sur la création de cette 4e année. La sénatrice Cathy Apourceau-Poly a ainsi fustigé « une proposition sans concertation » et les zones de floues restantes : « dans les déserts médicaux, quelle perspective de trouver un encadrant ? Quelles seront les conditions de travail des internes ? Vous n’y répondez aucunement. Vous faites reposer sur les épaules de nos étudiants la responsabilité de nos politiques publiques ».
Le sénateur socialiste Bernard Jomier a lui pointé un article « introduit dans la précipitation de la proposition de loi Retailleau ».
Véronique Guillotin (RDSE) a indiqué qu’elle n’y était « pas opposée mais sous réserve de précisions ». Elle a ainsi appelé à une mesure « bien encadrée avec un contenu pédagogique qui réponde au besoin professionnel du jeune ».
Le débat s’est aussi porté sur la rémunération des internes pendant cette année supplémentaire. La proposition de loi Retailleau ouvrait la possibilité qu’une partie de la rémunération puisse se faire à l’acte. Le sénateur Daniel Chasseing (Les indépendants) a avancé que les internes lors de cette quatrième année devraient être payés « comme un remplaçant, 5 000 euros par mois ».
Sur ce sujet, François Braun a répondu que la rémunération était celle du Dr Junior, un statut qui concerne toutes les spécialités. « Il est donc compliqué de vouloir favoriser une spécialité et si cela concerne toutes les spécialités cela voudrait dire qu’un Dr Junior gagne plus qu’un praticien hospitalier qui démarre à l’hôpital. Vous voyez bien que cela amène un certain nombre de difficultés ».
Pour contrer les sénateurs, le ministre de la Santé a redit que cette réforme était « souhaitable et souhaité par les étudiants il y a encore peu de temps ». Il a notamment mis en avant des manques de la formation en pédiatrie, gynécologie ou dans la gestion du cabinet et les besoins de stages en ambulatoire.
4e année pour les internes de médecine générale : « Je veux vous rassurer, il s’agit bien sûr d’une réforme pédagogique qui est souhaitable, qui était d’ailleurs souhaitée par les étudiants en médecine il y a encore peu de temps » déclare @FrcsBraun #PLFSS2023 pic.twitter.com/NrMoUVG1fX
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« Je n’en entends pas beaucoup parler mais c’est aussi la garantie que les étudiants seront thésés avant d’accéder à la 4e année », a-t-il expliqué mettant en avant le fait que cela permettrait une installation plus rapide après l’internat.
Enfin, alors que les étudiants prévoient une nouvelle journée de mobilisation le 17 novembre, François Braun s’est « étonné » de voir les sénateurs « écouter et prendre la défense des étudiants en médecine alors qu’il y a peu vous étiez pour la coercition ».
Fracture sur la coercition
En effet, avant le vote sur cette 4e année, les sénateurs avaient longuement débattu les différentes propositions de régulation à l’installation.
Les débats ont été vifs entre ceux qui dénonçaient une « coercition » contre-productive et ceux qui dénonçaient l'urgence, des « sept millions de Français » qui vivent dans des déserts médicaux.
Le sénateur de l’Orne Vincent Segouin (LR) a notamment interpellé le ministre, « vous dites que la régulation à l’installation n’a jamais marché. Mais avons-nous essayé ? ». Et alors que son collègue du Cantal Stéphane Sautarel appelait les sénateurs à « du courage », la sénatrice Élisabeth Doineau (Union Centriste) lui rappelait la réalité des chiffres : « Il ne faut pas faire un procès de non-courage à ceux qui n’ont pas de proposition de coercition. Car vos solutions n’apporteront pas la solution, on ne distribue pas ce que l’on n’a pas. On n’a pas de médecins. »
La rapporteure Corinne Imbert (LR) a aussi souligné que « des mesures coercitives risqueraient d’être mal comprises par les professionnels et de décourager des jeunes médecins à s’installer ». Tandis que François Braun a parlé de la création « d’une inégalité phénoménale », avec le conventionnement sélectif avec des médecins dans les secteurs normalement dotés qui « vont n’avoir de cesse que de vouloir revendre leur clientèle à des jeunes ».
Déserts médicaux : « Dire qu’il n’y a aucun sujet tabou ne veut pas dire que toutes les solutions sont bonnes à prendre mais qu’il y a lieu d’en discuter », réagit le ministre de la Santé @FrcsBraun. #PLFSS2023 pic.twitter.com/cPZ8MWiHCY
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Avoir de voter contre tous les amendements coercitifs, qui ont tous été rejetés, Bernard Jomier a tenu à rappeler à l’ordre ces collègues : « tous ces amendements ne visent qu’une catégorie de personne, les jeunes. Est ce la sagesse de notre hémicycle, alors que nous sommes collectivement responsables de la situation, de faire porter aux seuls jeunes la responsabilité ? ».
Régulation à l’installation de médecins : « Tous ces amendements ne visent qu’une catégorie de personnes : les jeunes. Est-ce la sagesse de notre hémicycle, alors que nous sommes collectivement responsables de cette situation ? » intervient @BernardJomier #PLFSS2023 pic.twitter.com/thLHVN1rVZ
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