« J’ai des gens qui meurent chez moi car ils n’ont pas de médecins et tout le monde s’en fout ! », tempête François Jolivet, contacté par Le Quotidien, qui a décidé de prendre le taureau par les cornes. Le député (Horizons) de l’Indre, un des départements les moins pourvus en généralistes selon l’atlas démographique de l’Ordre, vient de déposer avec quelques autres députés, une courte proposition de résolution visant à obtenir « une réforme globale de l’organisation des études médicales et paramédicales » afin de lutter « efficacement » contre la désertification médicale. L’élu fait valoir que, en dépit des multiples réformes depuis 20 ans, la lutte contre les déserts médicaux n’a pas produit les résultats escomptés. « Environ 30 % de la population n’avait pas accès [ou un accès difficile] à un médecin généraliste en 2023 », se désole l’élu, qui diagnostique un mal « systémique ».
Le député Jolivet cible d’abord « le millefeuille administratif » et la dispersion décisionnaire. « On a des administrations qui ne concourent pas aux mêmes objectifs et qui ont de très grandes difficultés à travailler ensemble », affirme-t-il. C’est le cas, dit-il, dans son département où l’agence régionale de santé (ARS) garante de l’offre de soins « ne partage pas exactement les mêmes objectifs que le doyen de la fac de médecine de Tours ». « Chacun est dans son couloir de nage et c’est parfois la préfète de région qui essaie de les rassembler », décrit-il. Pis, les tutelles sanitaires sont « éclatées » entre plusieurs ministres (Enseignement supérieur pour les formations, Santé pour la demande de soins). Grandes directions ministérielles, ARS, facultés, Ordre : « Il faut mettre fin à cet éparpillement et à ce fonctionnement en silo qui a conduit à l’échec », résume François Jolivet.
Un seul pilote dans l’avion
Côté gouvernance, donc, la proposition de résolution (qui est une invitation à un débat avec le gouvernement et les parlementaires mais n’a pas à ce stade force de loi) recommande de placer l’enseignement de toutes les professions médicales et paramédicales « sous l’autorité du seul ministre en charge de la Santé, afin de créer une unité de commandement ». Dans le même esprit, les directeurs généraux d’ARS et des CHU et les directeurs d’hôpital, tout comme le patron de la Cnam, seraient placés sous l’autorité unique et directe du ministre de la Santé, sans autre intermédiaire. « C’est celui qui commande qui paie et qui décide », martèle le député.
Fort de ce pilotage unifié, le député jette ensuite un pavé dans la mare de la formation initiale, en forme d’« appel au secours pour aller vite ». Sa proposition choc ? « Supprimer » carrément la spécialité de médecine générale (alors que ce DES doit au contraire passer de trois à quatre ans l’an prochain) et donc former les futurs généralistes en seulement « six ans » pour avoir rapidement des jeunes recrues opérationnelles dans les territoires ! « Conserver les internes de médecine générale pendant dix ans à l’hôpital ne trouve plus de justification et retarde leur arrivée dans la médecine de ville », plaide François Jolivet, ajoutant que « beaucoup de médecins étrangers, exerçant en France, ont cette durée d’études. »
Au passage, la proposition de résolution suggère de mettre fin à Parcoursup concernant le recrutement des élèves infirmiers alors que leur taux d’abandon dépasse les 40 %…
Repêchage… dans les déserts !
Autre mesure surprenante avancée par le député et ses collègues : expérimenter une « deuxième chance » afin de « repêcher » certains étudiants n’ayant pas réussi le concours d’entrée en faculté de médecine. Le nombre de ces carabins repêchés serait fixé par territoire par le seul ministre de la Santé et ces futurs praticiens seraient destinés à la médecine générale, avec la contrainte de commencer leur carrière dans les déserts… « J’y crois beaucoup, cela donnerait une deuxième chance à ces jeunes de retourner dans les études de médecine mais avec une contrepartie : l’obligation de faire leurs stages puis de s’installer dans les zones sous-dotées pendant dix ans », précise l’élu de l’Indre. Les intéressés devraient apprécier.
Enfin, la proposition avance une règle de portée plus générale consistant à exiger la pratique effective de la médecine pendant une période « minimum » après l’obtention du diplôme (ce qui interdirait de faire autre chose). « Il faut imposer l’exercice de la pratique médicale pendant dix ans minimum, appréciée sur une période de quinze ans », précise le député, alors que 15 % des médecins formés n’exercent pas cette profession. « J’insiste, il faut que ces gens assument les fonctions pour lesquelles ils ont été formés, sinon ils devraient rembourser les frais de leurs études comme pour les médecins militaires et les professeurs des écoles », plaide François Jolivet.
Le député espère que son texte pourra se traduire en proposition de loi « transpartisane ».
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