Le 10 mars dernier, Rayen Fakhfakh, étudiant en cinquième année de médecine âgé de 21 ans, sortait d’une longue garde lorsqu’il s’est rendu à la Poste pour récupérer un courrier recommandé provenant de la préfecture. « Je me souviens qu’en chemin, j’étais heureux. Je pensais enfin recevoir mon titre de séjour, que c’était la fin d’une longue procédure », raconte l’étudiant de nationalité tunisienne, arrivé sur le territoire français à l’âge de 12 ans. Mais à l’ouverture de l’enveloppe, c’est la stupeur : point de validation, mais une obligation de quitter le territoire (OQTF). « C’était impensable, ça m’a anéanti », confie-t-il.
Pour justifier son refus, la préfecture de Seine-Saint-Denis avance plusieurs arguments dans le courrier que Le Quotidien a pu consulter. Elle estime que Rayen Fakhfakh « ne justifie d’aucune insertion professionnelle ni de perspective d’emploi permettant une admission au séjour ». Et souligne également que, bien que l’étudiant fasse valoir la présence de ses deux frères en France, il ne démontre pas la nécessité de rester à leurs côtés. Dès lors, conclut la préfecture, « l’intéressé ne peut pas prétendre à une admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale ».
J’ai fait beaucoup d’associatif, je suis externe, je veux devenir médecin et servir ce pays. Je ne comprends pas
Rayen Fakhfakh, étudiant en médecine
Pour le carabin, la déception est immense. Et elle est surtout accompagnée d’un profond sentiment d’incompréhension et d’injustice. « J’ai fourni un dossier complet avec toutes les preuves de mon insertion. Mes deux frères sont ici, j’étudie en France depuis des années, j’ai fait beaucoup d’associatif, je suis externe, je veux devenir médecin et servir ce pays. Je ne comprends pas… J’ai vraiment l’impression que mon dossier n’a pas été lu », se désole-t-il.
Sous le choc après cette annonce, Rayen décide d’engager rapidement deux recours avec l’aide de l’association « Réseau éducation sans frontières ». Le premier est un référé en suspension pour demander en urgence un titre de séjour provisoire qui lui permet de poursuivre ses stages, le second pour contester le fond de la décision. « Pour ces deux recours, j’ai dû solliciter plusieurs amis pour qu’ils attestent de notre amitié, j’ai trouvé ça horrible de devoir en arriver là, de leur demander d’écrire que j’avais bien un lien avec eux. »
Fin mars, au terme d’une première audience éprouvante, le jeune homme obtient finalement un titre de séjour provisoire avec une autorisation de poursuivre ses stages. « La juge a rendu sa décision dès l’après-midi, alors que cela prend souvent plusieurs jours. Il n’y a pas eu de débat, ce qui montre à quel point la décision de la préfecture était injuste. Mais c’était très dur : en face, pendant l’audience, l’avocat de la préfecture avançait des arguments pour que je ne puisse pas rester en France. J’ai réussi à dire quelques mots, puis je me suis effondré. C’est sans doute l’une des pires périodes de ma vie », raconte-t-il.
Épée de Damoclès
En attendant la décision finale attendue pour septembre, Rayen s’efforce de faire abstraction de sa situation pour se concentrer sur ses révisions des épreuves dématérialisées nationales (EDN) prévues en octobre. « Au début, je n’arrivais plus à travailler, c’était invivable. Le fait de pouvoir reprendre les stages m’a soulagé. Je reprends doucement les révisions et j’essaie de me dire que je peux aller jusqu’aux EDN “sans pression”, entre gros guillemets », confie-t-il.
Aujourd’hui en stage de réanimation au centre hépato-biliaire de l’hôpital Paul-Brousse (AP-HP), Rayen, qui vise la chirurgie orthopédique, poursuit tant bien que mal son cursus médical, sans vraiment savoir s’il pourra un jour exercer dans le pays où il s’est formé.
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