L’exercice était périlleux pour les présidents des doyens d’universités de santé, auditionnés ce mercredi 15 janvier par la commission des affaires sociales du Sénat sur le sujet (très sensible) de la réforme de l’accès aux études de santé.
À la suite d’un rapport accablant de la Cour des comptes mettant en lumière les nombreux dysfonctionnements de la réforme, les doyens des universités de santé ont été invités par la chambre haute à proposer des ajustements à cette réforme instaurée en 2020, souvent critiquée pour son manque de clarté et de lisibilité, notamment avec ses décriés oraux.
Licence accès santé (L.AS) de coréen : est-ce bien raisonnable ?
Partageant « une grande partie » des constats très négatifs de la Cour des comptes, le Pr Benoît Veber, président de la Conférence des doyens de médecine, a appelé à plus de lisibilité face aux modalités trop complexes d’admission. « Cela génère beaucoup d’anxiété pour les lycéens et leurs familles. Le premier élément sur lequel nous sommes d’accord avec la Cour des comptes, c’est qu’il faut donner aux universités la possibilité de choisir un unique système en première année. » Autrement dit : un système soit tout PASS (Parcours d'accès spécifique santé) soit tout L.AS (Licence accès santé) comme les doyens l’avaient déjà préconisé quelques mois plus tôt.
Pour garantir toujours deux chances aux étudiants, les universités qui opteraient pour un système « tout PASS » en première année devront proposer en deuxième année une L.AS 2 pour les candidats ayant échoué en PASS. « Cela permettrait de maintenir la marche en avant qui est un des grands points positifs de cette réforme, a souligné le Pr Veber. Il serait très regrettable de revenir en arrière sur ce point, car même si un étudiant ne parvient pas à accéder aux formations en santé, il n’aura pas perdu son temps. »
En ce qui concerne les L.AS, le doyen des doyens a appelé à réduire l’offre pour « plus de cohérence ». « À Rouen, nous avons 14 L.AS, c’est trop ! Une L.AS de biologie, de sciences humaines et sociales ou de physique chimie se justifie mais une L.AS de coréen, beaucoup moins… », a-t-il estimé, appelant à trouver le « juste équilibre entre autonomie des universités et cadrage national ».
Connaissances identiques entre PASS et L.AS, accent sur les passerelles
Autre point regrettable soulevé par le Pr Veber : l’importante disparité des connaissances acquises entre les étudiants en PASS et en L.AS, due à un écart significatif d’heures de cours dispensées en sciences biomédicales entre les deux filières. « En deuxième année, les étudiants ayant suivi le PASS ont bénéficié en moyenne de 400 heures de formation en sciences biomédicales, contre seulement 100 heures pour ceux en L.AS. Cela crée des niveaux de connaissances très hétérogènes et un sentiment de dévalorisation chez les étudiants issus de L.AS. Ces étudiants ont du mal à rattraper leur retard […] et redoublent plus souvent », a-t-il souligné.
Le Pr Veber a exprimé son inquiétude concernant l'impact de cette disparité sur la réussite des étudiants en fin de sixième année : « Nous allons bientôt savoir ce qui se passe pour le concours de l'internat, mais il est possible – bien que cela reste à vérifier – que ces étudiants […] ne se classent pas de façon satisfaisante par rapport à leurs camarades issus de PASS. » Le doyen de la faculté de Rouen a appelé à ce que ce point majeur soit réglé au plus vite pour que tous les étudiants arrivent en deuxième année avec le même socle de connaissances.
Concernant la diversification des profils, un des objectifs phares de la réforme de la Paces, le Pr Benoît Veber a reconnu qu’il a été « partiellement réussi ou partiellement un échec », car peu d’étudiants issus uniquement de L.AS ont intégré médecine après leur licence. Pour atteindre cet objectif, il préconise de travailler sur les « passerelles tardives », qui colorent réellement les parcours. « Un étudiant ayant validé un master a un projet professionnel mûri. Ces profils, qui intègrent médecine après plusieurs années d’expérience, sont d’ailleurs très bons élèves », a-t-il souligné, appelant à augmenter leur nombre.
Décalage des doyens ?
Mais l’exposé du Pr Benoît Veber et de ses homologues en odontologie, pharmacie et maïeutique n’a que partiellement convaincu les sénateurs. Philippe Mouiller, président de la commission, leur a même reproché d’être « en décalage » avec le mal-être étudiant et avec les conclusions du rapport des Sages de la rue Cambon. « Le ton général que vous employez contraste de manière marquante avec celui de la Cour des comptes, qui a qualifié la réforme “d’alarmante” voire a utilisé des termes encore plus forts. À mon avis, la vraie question n’est pas celle de la modulation, mais de savoir si nous devons arrêter cette réforme. Je pense que nous en sommes là », a-t-il déclaré.
Devant ces reproches, le Pr Veber a souhaité faire une petite mise au point : « Les doyens ne sont pas les architectes de cette réforme, on nous a juste demandé de la mettre en place. Elle est née d’un constat : la Paces était trop difficile, elle était surnommée la broyeuse d’étudiants. Il faut faire évoluer le système actuel mais revenir à la Paces serait un échec total. »
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