Les applaudissements du printemps laissent un goût amer aux jeunes et futurs généralistes à l’approche de l’hiver. Alors que leur mobilisation aux côtés de leurs aînés pendant toute la crise sanitaire n’est pas à remettre en cause, les médecins de demain se voient remercier par de nouvelles menaces contre la liberté d’installation. Lors de l’examen au Sénat du PLFSS 2021, les parlementaires n’ont pas manqué, comme chaque année, de faire des nouvelles propositions de conventionnement sélectif. La semaine dernière, le chef de file de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon, officiellement candidat à la présidentielle 2022, a provoqué un tollé avec une proposition visant à résoudre les déserts médicaux. Le député a suggéré d’imposer aux étudiants de médecine à la fin de leur cursus d’aller exercer pendant dix ans dans une zone sous-dotée, choisie par l’État. Une proposition justifiée notamment par la vieille rengaine : vous rendez à l’État ce qu’il vous a donné en finançant vos études. « Je suis pour qu'on paye les études de médecine mais que les médecins formés doivent 10 ans à l'État pour lutter contre les déserts médicaux », a résumé Jean-Luc Mélenchon.
Je veux que tous ceux qui étudient aient un revenu et s'engagent pour la collectivité. Exemple : je suis pour qu'on paye les études de médecine mais que les médecins formés doivent 10 ans à l'État pour lutter contre les déserts médicaux. #FaceaBFM pic.twitter.com/o2uBTqNAX5
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) November 12, 2020
Manque de reconnaissance
Même après des mois de mobilisation dans la crise sanitaire, les futurs médecins sont donc contraints une nouvelle fois de se défendre contre ces attaques et de mettre les points sur les i. Dans un communiqué commun, l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), l’Intersyndicale nationale des internes en médecine générale (Isnar-IMG) et le Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR), regrettent « avec amertume la résurgence de propositions maintes fois discutées s’appuyant sur une logique maintes fois réfutée ». Ils déboutent le raisonnement qui voudrait que les étudiants en santé soient redevables à l’État, en rappelant leur rôle essentiel et indispensable pour faire fonctionner le système de santé aujourd’hui. « Nous permettons à l’État de réaliser pendant toutes nos années d’études des économies substantielles », ajoutent-ils. Ils soulignent par ailleurs leurs conditions de travail inacceptables, avec un temps de travail réglementaire jamais respecté qui a notamment des impacts sur la santé mentale des étudiants. « Cette interprétation erronée témoigne encore une fois d’un manque flagrant de (re) connaissance d’un travail incessant assuré dans des conditions précaires », résument-ils.
Agir avec eux et pas contre eux
Mais mobilisés sur ce sujet depuis longtemps, les jeunes et futurs médecins refusent d’être les boucs émissaires de « politiques restrictives antérieures ». Ils rappellent qu’ils ne sont pas réfractaires à aller s’installer dans les territoires et qu’ils ont formulé des propositions concrètes sur lesquelles travailler notamment avec les élus locaux pour résoudre le problème de la démographie médicale. « Sa résolution ne pourra pas passer par des mesures simples, directes et démagogiques », soulignent-ils.
Exercice mixte, accompagnements à l’installation, stages ambulatoires dans les territoires, internats ruraux, sont autant de solutions, dont certaines déjà adoptées par le gouvernement, qui contribueront à résoudre le problème de l’accès aux soins selon eux. Ce travail de longue haleine nécessite une plus grande volonté politique encore qu’aujourd’hui et de ne pas céder aux propositions démagogiques qui fleurissent périodiquement. « Ce n’est qu’à travers une action politique intelligente et courageuse, à l’écoute des futurs acteurs du système de santé, que nous améliorerons la situation, pour nous, pour vous, pour tous », concluent les médecins de demain.
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