Alerte sur les stages ambulatoires en Île-de-France : les internes de médecine générale s’épuisent dans les transports et réclament des logements proches

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Publié le 03/03/2023

Crédit photo : Garo/Phanie

Les heures de transport en commun hebdomadaires et les difficultés à se loger en région parisienne pourrissent la vie des internes de médecine générale franciliens. Et pourtant, vivre à proximité du cabinet dans lequel ils réalisent leur stage ambulatoire serait un vecteur majeur d’installation pour 72 % des futurs généralistes, révèle une enquête diffusée ce vendredi par le Syndicat représentatif parisien des internes de médecine générale (SRP-IMG), membre de l’Isni.

Entre avril et septembre 2022, le syndicat a sondé 304 internes sur leur vécu quotidien lors des stages ambulatoires, en matière de logement et transport. Pour rappel, les internes de médecine générale doivent réaliser deux stages au cours de leur cursus, l’un en première année d'internat – le stage de niveau 1 – puis le Saspas (stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée) en troisième année. L’objectif de l'enquête est d’identifier « les vecteurs d’amélioration du vécu de ces stages », un enjeu d’autant plus important avec l’ajout d’une 4e année d'internat en médecine générale prévue d'ici à trois ans (avec deux stages ambulatoires supplémentaires).

Trop dépendants des transports

Premier constat : devoir quitter son logement tous les six mois au gré des lieux de stage peut devenir extrêmement contraignant en région parisienne « dans un contexte locatif » très tendu, note le syndicat. Avoir un logement central apparaît nécessaire pour beaucoup d’internes, une situation malheureusement impossible à traduire dans les faits dans la capitale (la moitié des internes franciliens interrogés vivent à Paris). 

De surcroît, l’exigence de mobilité est accrue lors des stages ambulatoires. Nombre de carabins sont amenés à traverser la région pour aller d’un stage à l’autre. Ainsi, 40 % des internes en Saspas disent devoir jongler entre deux à trois lieux d'exercice différents au cours d’un même semestre. « Au cours d’une même semaine, ils sont susceptibles de traverser l’Île-de-France depuis leur domicile pour se rendre sur les différents lieux d’exercice de leur MSU », souligne ainsi le SRP-IMG. 72 % d'entre eux utilisent les transports en commun, une dépendance qui fatigue les jeunes d'autant que certains stages restent très mal desservis (et héritent aussitôt d'une « image négative »). 

Facteur de risques psychosociaux

À force de trajets allers et retours, les internes s’épuisent, jusqu’à considérer majoritairement ces stages en cabinet libéral comme un facteur de risques psychosociaux. « 61 % des internes interrogés pensent qu’ils sont davantage exposés aux risques psychosociaux en stage ambulatoire par rapport aux stages hospitaliers », précise l’enquête.

Pour trois quarts d’entre eux, le fait de devoir se déplacer dans plusieurs départements au cours du même stage est un facteur de mal-être. Une étude canadienne a montré qu’au-delà de 20 minutes de trajet, le risque d’épuisement professionnel augmente, mentionne le syndicat. En outre, 85 % des carabins évoquent l'isolement vis-à-vis de leurs collègues dans ces stages ambulatoires, contrairement au travail en équipe hospitalier.

La proximité, levier de bien-être, de choix de stage et même d'installation !

Pour le syndicat parisien, réduire le temps de trajet des carabins est donc un levier « primordial » de bien-être (alors que deux tiers d'entre eux sont déjà concernés par l'épuisement professionnel en 2021). Mieux encore, c’est l’emplacement du cabinet par rapport au domicile habituel qui se révèle être le critère de choix numéro un pour les juniors dans le choix du lieu de stage. En Saspas, plus de 80 % d’entre eux privilégient la proximité par rapport au domicile, davantage que le projet professionnel (29 %), le mode d’exercice (49 %) ou le type de structure (46 %).

Entre le manque de logements disponibles et les temps de trajet, l’Île-de-France jusqu’alors attractive pour les internes « par sa qualité de formation et sa variété des terrains de stage (urbain, semi-urbain et rural) » devient même « contraignante », alerte le SRP-IMG. 

Autre enseignement clé de l’enquête : au-delà de réduire les risques psychosociaux des futurs généralistes, la mise à disposition de logements à proximité du lieu de stage serait vecteur direct d’installation à court terme. « Être logé à proximité du cabinet dans lequel ils exercent permettrait aux internes de mieux découvrir le territoire et de s’y projeter (...) 72 % des internes déclarent ainsi que la mise à disposition d’un logement dans un territoire pourrait contribuer à leur donner envie de s’y installer », souligne l’étude.

Moins de 10 minutes, c'est parfait

Sur ces bases, il devient « incontournable » pour le syndicat de développer une offre de logements dédiée aux stages ambulatoires. Plus des deux tiers des internes trouvent ainsi essentiel le fait de se voir proposer un logement lorsque le terrain de stage est éloigné « de plus d’une heure » de leur lieu de résidence. Pourtant, plus de 95 % des internes déclarent ne jamais avoir eu de telle proposition d'habitation… Les résultats du volet santé du Conseil national de la refondation (CNR) pourraient améliorer la situation – un des problématiques soulevées étant précisément celle des logements pour les soignants en région parisienne.   

Parmi les solutions, les carabins plébiscitent les logements à moins de 10 minutes de transport du cabinet mais aussi la possibilité de garder leur appartement principal tout en ayant accès à un logement provisoire pendant le stage. Autre revendication : concevoir des foyers adaptés aussi aux couples, car ces futurs généralistes sont « davantage des adultes aux prémices de leur vie de famille ». En dernière année, 75 % d’entre eux sont en couple.

Des internats ruraux aux maisons des internes (subventionnés par les acteurs locaux), des solutions existent déjà en région, mais il faut les développer en Île-de-France insiste le SRP-IMG. Une nécessité pour « dynamiser et pérenniser les installations de futurs généralistes » sur le territoire francilien, devenu premier désert médical de France. Environ 62 % des habitants de la région se trouvent désormais dans une zone d'intervention prioritaire (ZIP, là où la situation est la plus tendue) et 34 % dans une zone d'action complémentaire.


Source : lequotidiendumedecin.fr