Depuis plus de trois ans, le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) planche sur la phase dite de consolidation du DES de médecine générale. À savoir l’ajout d’une 4e année d’internat, en adéquation avec la réforme du troisième cycle de 2017.
Si les réflexions autour de cette année supplémentaire sont si longues, c’est qu’elles cristallisent les craintes des étudiants et des internes. Une quatrième année, certes mais pour quoi faire ? La qualité de la formation sera-t-elle garantie ? Quelle rémunération ? Quel statut ? En congrès à Bordeaux, les prérequis de cette réforme ont été débattus. Autour de la table, enseignants et étudiants, décidés à faire entendre leurs exigences.
Pas de maquette trop rigide
Du côté des étudiants de 1er et 2e cycle, représentés par l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), l'allongement du DES de médecine générale marque des points. « Nous sommes globalement favorables et nous commençons à trouver un consensus », souligne Jeanne Dupont-Deguine, première vice-présidente de l’association. Elle exprime cependant plusieurs « points de vigilance » craignant « qu’une maquette trop rigide » fasse « perdre de l’attractivité à la filière de médecine générale ».
Parmi les sujets de crispation, la liberté accordée – ou pas – aux internes dans le choix de leur stage au cours de cette quatrième année. « Le stage devra être libre, on y tient », insiste Jeanne Dupont-Deguine. Elle réclame une formation accrue en gériatrie ou/et en psychiatrie pour ces futurs médecins généralistes.
Un statut à valoriser
Des interrogations émergent quant au statut de l’interne durant cette phase de consolidation. « Il ne faut pas que ce statut soit précarisant. La rémunération devra être corrélée à leur expérience et à ce qu'ils apportent dans l'offre de soin du territoire », plaide Jeanne Dupont-Deguine. Surtout, cette 4e année devra être « avant tout formative ». Une réflexion applaudie et partagée.
Pas question de mettre en place une année au rabais, un remplacement déguisé ou une forme d'exploitation. Un interne en médecine générale à Lyon, ému, résume la situation. « On nous dit "vous allez travailler comme des internes en formation alors qu’hier vous étiez capables d’exercer, d’obtenir une licence de remplacement !" ». « Pour moi, c’est une diminution de mes droits, ajoute un autre. On va me maintenir dans un statut précaire, alors que ce qui m’a fait choisir la médecine générale c’est justement de pouvoir exercer après 3 ans ! »
Cette crainte d’un généraliste low cost – laissé en totale autonomie – est partagée par l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG), qui pose ses conditions. « Nous demandons depuis 2019 la mise en place d’un statut de docteur junior ambulatoire : rémunération à l’acte, création d’un statut de médecin collaborateur, pas plus de 30 consultations par jour… », précise Morgan Caillault, président du syndicat.
« Trois ans, c’est trop court »
L’ISNAR-IMG se retrouve avec l'ANEMF sur la nécessaire liberté accordée aux internes MG dans la diversité des stages. « Ils devront pouvoir choisir sur l’ensemble du territoire », ajoute son chef de file. Et si possible dans des structures variées : « 13,7 % des internes en médecine générale souhaitent soit un exercice hospitalier, soit un exercice partagé. » Dans tous les cas, l'ISNAR a besoin de garanties « car on redoute cette mise en place précoce de la phase de consolidation », ajoute Morgan Caillault.
À ce stade, le CNGE, au nom des enseignants de médecine générale, se veut rassurant. « Nous sommes pour un stage libre, agréé pour la médecine générale, mais qui permet de donner de la souplesse à cette 4e année », assure le Pr Laurence Compagnon, en charge de la pédagogie au CNGE. Elle insiste sur la nécessité d'un « temps long » pour former ces internes. « Trois ans, c’est trop court pour acquérir toutes les connaissances du généraliste installé, la gestion du cabinet, la fiscalité ou le suivi au long cours d’une cohorte de patients », souligne-t-elle. La quatrième année sera donc utile et professionnalisante.
Alternative à la coercition
Malgré tout, le Pr Compagnon concède qu'« il y a du chemin à faire », notamment en matière de financement. Un constat partagé par le président du CNGE, le Pr Olivier Saint-Lary : « Les difficultés pour les ministères sont d’ordre financier, mais je pense que le coût est à la hauteur de l’enjeu. »
Amélioration de la qualité des soins et du système de santé, réduction des inégalités : l’ajout de cette fameuse quatrième année est « central » pour le Pr Olivier Saint-Lary. La montée en puissance de la médecine générale et des soins primaires est aussi visée. « Si on nous confie des responsabilités plus importantes, c’est normal de vouloir former les internes de manière plus optimale », relève-t-il. « La Suède, le Danemark ou la Norvège sont réputés pour avoir un système de soins primaires très fort. Là-bas, tous les médecins généralistes – en plus des six ans jusqu'à la fin du deuxième cycle – font cinq ans d’internat. Et six ans en Finlande ! »
L'implantation territoriale, argument massue
Accorder aux internes une année supplémentaire dans un territoire permettrait enfin d’implanter durablement les juniors en région. « Ce serait une alternative intelligente à la coercition… Les internes sont conscients de leur responsabilité sociale sur les territoires, ils ne veulent pas tous s’installer sur la promenade des Anglais ou avenue Wagram! Ils veulent aussi s’installer là où on a besoin d’eux », souffle le Pr Olivier Saint-Lary.
Si les modalités restent à définir, la phase de consolidation pourrait être mise en place dès la rentrée 2022.
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