Alors que les jeunes vont battre le pavé vendredi pour protester contre l’ajout d’une 4e année à l’internat de médecine générale, à réaliser « en priorité » en zones sous-denses, cette réforme a fait l’objet de vifs débats ce mercredi à l’Assemblée nationale. Une passe d'armes de deux heures, en commission des Affaires sociales, sur cet article (23) controversé du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
« C’est l’un des articles les plus importants du PLFSS », a assumé Thomas Mesnier député Horizons de Charente, alors que trois groupes parlementaires réclamaient sa suppression pure et simple. Une façon pour l'urgentiste de la majorité de placer le débat sur le terrain de l'accès aux soins puisque cette année de consolidation (stages pratiques) en ambulatoire est censée procurer des renforts en priorité dans les zones fragiles.
Rapporteure du PLFSS et députée Renaissance du Loiret, Stéphanie Rist s’est employée à défendre de son côté une mesure « à visée pédagogique », en insistant sur le caractère « non obligatoire » du fléchage dans les zones sous-denses.
Main-d’œuvre à bas coût ?
Mais ces arguments ont laissé dubitatifs de nombreux députés. « C’est faiblement argumenté… Je ne vois pas la plus-value en termes de formation, mais je comprends plutôt que ça permettrait de disposer d'un volant de main-d’œuvre à répartir sur le territoire en piochant dans les étudiants », a protesté Pierre Dharréville (Nupes, Bouches-du-Rhône).
Le député de Corse-du-Sud, lui-même médecin généraliste, Paul-André Colombani a mis les pieds dans le plat, soulignant que « les jeunes ne sont pas responsables des problèmes de répartition médicale et qu'on ne peut pas leur faire payer la note », en les envoyant dans les déserts médicaux. Un argument souvent avancé par les syndicats d'internes et de carabins.
« La jeunesse ne doit pas être une variable d’ajustement, a surenchéri François Ruffin (LFI, Somme). Non seulement les internes vont continuer à tenir les hôpitaux, mais en plus ils vont devenir une main-d’œuvre corvéable à merci, sous-payée, pour la médecine de campagne. »
Mollesse ?
À l’inverse, le député Modem du Rhône, Cyrille Isaac-Sibille, voit plutôt cette quatrième année comme « une chance » pour les jeunes « d’être confrontés à la médecine libérale, de découvrir la médecine rurale ». Lui aussi favorable à l'allongement de l'internat, le Pr Philippe Juvin (LR) a rappelé que les jeunes généralistes étaient les seuls à ne pas bénéficier de cette année de consolidation.
Du côté du PS, plusieurs députés se sont félicités qu'une forme de « régulation » fasse ses premiers pas dans la loi. « Cette mesure va dans le sens d’une plus grande coercition que nous soutenons », a même jugé Arthur Delaporte, député socialiste du Calvados. « Il ne s’agit pas du tout d’une mesure de coercition mais d’une mesure de formation ! », a recadré à nouveau Thomas Mesnier.
Réunis au sein du groupe transpartisan sur les déserts médicaux, sous l'égide de député socialiste mayennais Guillaume Garot, fervent défenseur de la régulation à l’installation, plusieurs députés de gauche ont demandé que cette quatrième année soit fléchée « obligatoirement » dans les zones sous-denses, et non plus « en priorité », accusant le gouvernement de « mollesse ». Une proposition rejetée en commission, Stéphanie Rist expliquant qu’il « fallait justement envoyer ces étudiants là où il y avait un encadrement pédagogique », avec des maîtres de stages universitaires.
La rémunération en question
Les discussions se sont aussi transformées en plaidoyer pour de meilleures conditions de rémunération des internes. « Ce sont des médecins, ils doivent être rémunérés sous le statut de médecin adjoint et non de docteur junior », a plaidé Philippe Vigier. Le député Modem d’Eure-et-Loir a suggéré que les internes soient rémunérés à l’acte, sans qu’aucun amendement n’ait été adopté en ce sens.
Sur la proposition de Didier Martin (Renaissance, Côte-d’Or), la commission des Affaires sociales a accepté qu’un décret puisse fixe les conditions matérielles de cette année supplémentaire. « Il faut que les internes soient accueillis dans les meilleures conditions possibles, que ce soit en termes de logement ou de transport, a fait valoir le neuroradiologue. Je propose qu’ils puissent réaliser ces stages en zones sous-denses à deux ou trois pour se serrer les coudes. »
Une mission de concertation interministérielle se chargera de fixer les contours de cette année supplémentaire, a rappelé Stéphanie Rist. Et elle a rejeté l’amendement porté par La France Insoumise qui prévoyait que cette nouvelle maquette généraliste soit établie « en concertation avec les organisations de représentation étudiante », expliquant que c’était déjà le cas. « La preuve d'un grand mépris », selon le Syndicat des internes parisiens de médecine générale (SRP-IMG) qui se demande si le gouvernement a « peur de la réalité de terrain ».
Un cavalier législatif ?
Mais sur le fond, certains députés se sont interrogés sur la pertinence d’une telle mesure dans un budget de la Sécurité sociale. « Au prétexte du PLFSS, on s’immisce dans le contenu pédagogique des études de médecine, à quel titre ? », a fustigé Ségolène Amiot (LFI, Loire-Atlantique). « Si demain, on manque de carrossiers dans la Creuse, est-ce que vous rallongeriez la formation des carrossiers ? Ce n’est pas à nous de faire ça ! », a plaidé l’élue insoumise.
Cette mesure sur la formation est-elle « un cavalier législatif », ce qui signifierait qu'elle n'a rien à faire dans ce texte financier ? Thomas Mesnier lui-même a concédé que « l’on pouvait débattre de la place de cette mesure dans le PLFSS ». Une question qui sera tranchée par le Conseil constitutionnel.
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